Chamanisme et cosmologie – L’Arbre du Monde

« En effet, le symbolisme de l’Arbre du Monde est complémentaire de celui de la Montagne Centrale. Parfois, les deux symboles se recouvrent ; généralement ils se complètent. Mais l’un comme l’autre ne sont que des formules mythiques plus élaborées de l’Axe Cosmique (Pilier du Monde, etc.). »

« Il n’est pas question de reprendre ici le dossier considérable de l’Arbre du Monde. Il nous suffira de rappeler les thèmes les plus fréquents en Asie centrale et septentrionale en indiquant leur rôle dans l’idéologie et l’expérience chamaniques. L’arbre cosmique est essentiel au chaman. De son bois il façonne son tambour, en escaladant le bouleau rituel il monte effectivement au sommet de l’Arbre Cosmique, devant sa yourte et à l’intérieur de celle-ci se trouvent des répliques de cet Arbre et il le dessine aussi sur son tambour.
Cosmologiquement, l’Arbre du Monde s’élève au centre de la Terre, l’endroit de son « ombilic », et ses branches supérieures touchent le palais de Bai Ulgan. Dans les légendes des Tatars Abakan, un bouleau blanc à sept rameaux pousse au sommet d’une Montagne de Fer. Les Mongols se figurent la Montagne Cosmique comme une pyramide à quatre faces, ayant au milieu un Arbre : les dieux s’en servent, de même que du Pilier du Monde, comme d’un piquet pour attacher leurs chevaux. »

« L’Arbre relie les trois régions cosmiques. Les Vasyugan-Ostyaks croient que ses branches touchent le Ciel et que ses racines plongent dans l’Enfer. D’après les Tatars sibériens, une réplique de l’Arbre céleste se trouve en Enfer : un sapin à neuf racines (ou, dans d’autres variantes, neuf sapins) s’élève devant le palais d’Irle Khan ; le roi des morts et ses fils attachent leurs chevaux à son tronc. Les Goldes comptent trois Arbres Cosmiques : le premier dans le Ciel (et les âmes des humains sont posées sur les branches comme des oiseaux, attendant d’être descendues sur terre pour donner naissance à des enfants), un autre Arbre sur terre et le troisième en Enfer. Les Mongols connaissent l’Arbre zambu dont les racines s’enfoncent à la base du mont Sumer et dont la couronne s’épanouit à son sommet ; les dieux (Tengeri) se nourrissent des fruits de l’Arbre et les démons (asuras), cachés dans les crevasses de la Montagne, les regardent pleins d’envie. Un mythe analogue se rencontre aussi chez les Kalmoucks et les Boudâtes. »

« Plusieurs idées religieuses sont impliquées dans le symbolisme de l’Arbre du Monde. D’une part, il représente l’Univers en continuelle régénération, la source intarissable de la vie cosmique, le réservoir par excellence du sacré (parce que « Centre » de réception du sacré céleste, etc.) ; d’autre part, l’Arbre symbolise le Ciel ou les Cieux planétaires. On reviendra tout à l’heure sur l’Arbre en tant que symbole des cieux planétaires, ce symbolisme jouant un rôle essentiel dans le chamanisme central-asiatique et sibérien. Mais il importe de rappeler dès maintenant que dans nombre de traditions archaïques, l’Arbre Cosmique, exprimant la sacralité même du monde, sa fécondité et sa pérennité, se trouve en relation avec les idées de création, de fertilité et d’initiation, en dernière instance avec l’idée de la réalité absolue et de l’immortalité. L’Arbre du Monde devient ainsi un Arbre de Vie et de l’Immortalité. Enrichi d’innombrables doublets mythiques et symboles complémentaires (la Femme, la Source, le Lait, les Animaux, les Fruits, etc.), l’Arbre Cosmique se présente toujours à nous comme le réservoir même de la vie et le maître des destins. »

« Ces idées sont assez anciennes car on les retrouve intégrées dans un symbolisme lunaire et initiatique chez de nombreux peuples « primitifs ». Mais elles ont été maintes fois modifiées et développées, le symbolisme de l’Arbre Cosmique étant presque inépuisable. Il est hors de doute que des influences sud-orientales ont fortement contribué à donner aux mythologies des populations de l’Asie centrale et septentrionale leur aspect actuel. C’est surtout l’idée de l’Arbre Cosmique réservoir des âmes et « Livre des destins » qui semble avoir été importée des civilisations plus évoluées. L’Arbre du Monde est en effet conçu comme un Arbre vivant et faisant vivre. Pour les Yakoutes, au « nombril d’or de la Terre » s’élève un arbre à huit rameaux : c’est une sorte de Paradis primordial car c’est là que le premier homme est né, et il est nourri par le lait d’une Femme à demi sortie du tronc de l’Arbre. Comme le remarque Harva, il est difficile de croire qu’une telle image ait pu être inventée par les Yakoutes dans l’âpre climat de la Sibérie septentrionale. Les prototypes se rencontrent dans l’Orient antique et aussi dans l’Inde (où Yama, le premier homme, boit avec les dieux près d’un arbre miraculeux,  et l’Iran (Yima sur la Montagne Cosmique communique l’immortalité aux hommes et aux animaux). » Lire la suite

L’arbre sacré – Mircea Eliade

Par quelle synthèse mentale de l’humanité archaïque, et à partir de quelles particularités de la structure de l’arbre comme tel, un symbolisme si vaste et si cohérent s’est-il établi ?

« Il n’est pas question ici de préciser la genèse d’une valeur religieuse, mais de découvrir les plus anciennes et par conséquent les plus pures intuitions de cette valeur. Il est certain que, pour l’expérience religieuse archaïque, l’arbre (ou plutôt, certains arbres) représente une puissance. Il faut ajouter que cette puissance est due aussi bien à l’arbre en tant que tel qu’à ses implications cosmologiques. Pour la mentalité archaïque, la nature et le symbole coexistent. Un arbre s’impose à la conscience religieuse par sa propre substance et par sa forme, mais cette substance et cette forme doivent leur valeur au fait qu’elles se sont imposées à la conscience religieuse, qu’elles ont été « choisies », c’est-à-dire qu’elles se sont « révélées ». Ni la phénoménologie de la religion ni l’histoire des religions ne sauraient dépasser la constatation de cette coexistence de la nature et du symbole que l’intuition du sacré vient valoriser. On ne peut donc parler proprement d’un « culte de l’arbre ». Jamais un arbre n’a été adoré rien que pour lui-même, mais toujours pour ce qui, à travers lui, se « révélait », pour ce qu’il impliquait et signifiait. (Les plantes magiques ou pharmaceutiques doivent aussi leur efficacité à un prototype mythique). En étudiant les représentations de l’« arbre sacré » en Mésopotamie et en Elam, Nell Parrot écrit : « Il n’y a pas de culte de l’arbre lui-même ; sous cette figuration se cache toujours une entité spirituelle ». En faisant des recherches dans le même domaine, un autre auteur arrive à cette conclusion que l’arbre sacré mésopotamien est plutôt un symbole qu’un objet de culte : « Ce n’est pas la copie d’un arbre réel plus ou moins enrichi d’ornements, mais bien la stylisation entièrement artificielle et, plutôt qu’un véritable objet cultuel, il nous paraît être un symbole doué d’une grande puissance bénéfique ». Ces conclusions, légèrement amendées, trouveront leur confirmation dans d’autres domaines que la Mésopotamie. »

« Ainsi – et nous revenons par là aux intuitions premières de la sacralité de la végétation – c’est en vertu de sa puissance, c’est en vertu de ce qu’il manifeste (et qui le dépasse), que l’arbre devient un objet religieux. Mais cette puissance est, à son tour, validée par une ontologie : si l’arbre est chargé de forces sacrées, c’est qu’il est vertical, qu’il pousse, qu’il perd ses feuilles et les récupère, que par conséquent il se régénère (il « meurt » et « ressuscite ») d’innombrables fois, qu’il a du latex, etc. Toutes ces validations ont leur origine dans la simple contemplation mystique de l’arbre, en tant que « forme » et modalité biologiques. Mais ce n’est qu’à la suite de sa subordination à un prototype – dont la forme n’est pas forcément d’ordre végétal – que l’arbre sacré acquiert sa véritable validité. C’est en vertu de sa puissance, autrement dit, c’est parce qu’il manifeste une réalité extra-humaine – qui se présente à l’homme dans une certaine forme, qui porte fruit et se régénère périodiquement – qu’un arbre devient sacré. Par sa simple présence (« la puissance ») et par sa loi propre d’évolution (« la régénération »), l’arbre répète ce qui, pour l’expérience archaïque, est le Cosmos tout entier. L’arbre peut, sans doute, devenir un symbole de l’Univers, forme sous laquelle nous le rencontrons dans les civilisations évoluées ; mais pour une conscience religieuse archaïque l’arbre est l’Univers, et s’il est l’Univers, c’est qu’il le répète et le résume en même temps qu’il le «symbolise ». Cette conception première du « symbole », en vertu de laquelle le symbole doit sa validité au fait que la réalité qu’il symbolise lui est incorporée, cette conception sera précisée davantage lorsque nous aborderons le problème du mécanisme et de la fonction du symbole. »

« La seule chose que nous voulons ici mettre en lumière, c’est que, si le Tout existe à l’intérieur de chaque fragment significatif, ce n’est pas parce que la loi de la « participation » est vraie, c’est parce que tout fragment significatif répète le Tout. Un arbre devient sacré, tout en continuant d’être arbre, en vertu de la puissance qu’il manifeste ; et s’il devient arbre cosmique, c’est que ce qu’il manifeste répète en tous points ce que manifeste le Cosmos. L’arbre sacré n’a pas à perdre ses attributs formels-concrets pour devenir symbolique (le palmier-dattier chez les Mésopotamiens, le chêne chez les Scandinaves, l’Asvattha et le nyagrodha chez les Indous, etc.). Ce n’est qu’après que certaines étapes mentales ont été dépassées que le symbole se détache des formes concrètes, qu’il devient schématique et abstrait. »

Source : Mircea Eliade, Traité d’histoire des religions, p. 275-276.

Le Pacte avec un Arbre

Tout Mage devrait avoir un Ami Arbre avec qui converser et auprès duquel méditer et reprendre des forces. En effet, cet Ami, ce Fils de la Nature qu’est l’Arbre, peut vous aider à guérir d’une longue maladie et contribuer à alléger vos souffrances et vos soucis quotidiens.

Choisissez un Arbre dans un endroit caché et retiré, car vous ne devrez pas être dérangé par des étrangers quand vous serez en communion avec lui et, si possible, choisissez un Arbre-Maître. Il devra être entouré d’autres Arbres, ses Frères.

L’Arbre de votre choix doit être élancé, bien droit, sans bosses et malformations aucune, car ce sont là signes de Forces Négatives. Son tronc sera aussi large que votre taille ; en somme, il s’agira de choisir un Arbre d’âge respectable dont les anneaux marquent autant d’années de Sagesse…

Quand vous aurez bien fixé votre choix, vous pourrez alors commencer d’agir par Magie. Il vous faudra tout d’abord offrir un cadeau et vous enterrerez celui-ci au pied de votre nouvel Ami en signe d’hommage et au nom du Divin.

Toutes les fois que vous lui rendez visite, approchez-vous de l’Arbre en venant de l’Ouest (l’Arbre représentant la Nef Christique ou l’Axe de l’Est), arrêtez-vous à six mètres environ. Détendez-vous, respirez à fond, puis reprenez lentement votre souffle, respirez lentement, faites le vide intérieur, oubliez pour cette fois le lot de soucis quotidiens…

Quelques minutes après, tendez votre bras droit à l’horizontale, devant vous, pointez-le vers le tronc de l’Arbre et faites avec la main le Signe du Salut Magique : l’index et le médius joints pointent en avant, tandis que le pouce vient toucher l’annulaire et le petit doigt. Cette posture digitale représente le Dieu et la Déesse d’Éternité, et les deux derniers doigts avec le pouce représentent, eux, la Trinité d’Isis, d’Osiris et d’Horus.

Vous procéderez de même avec la main gauche, en la pointant vers le tronc de l’Arbre. Elle vous assure une Protection en cas d’erreurs magiques de votre part. Procédez lentement, relisez bien le texte, exercez-vous à la maison avant de poursuivre.

A présent, vous pouvez prononcer d’une voix nette, claire, le Salut suivant :

« Oh, Toi, Arbre de toute beauté, Toi qui es la manifestation de la Mère Nature… Toi qui touches les Cieux pour purifier notre air et faire de Ta ramure la demeure des Oiseaux… Toi qui plonges Tes racines dans les entrailles de la Terre pour fixer les eaux mouvantes… Toi le Compagnon des premiers Hommes que Tu abritais et réchauffais… en toute humilité, je Te salue ! »

Vous pourrez ajouter une formule de votre cru, pourvu qu’elle soit respectueuse et positive envers l’Arbre et la Nature. C’est surtout l’intention qui fera que la Magie opère.

Ensuite, vous baiserez les deux doigts que vous pointiez vers l’Arbre, l’index et le médius accolés, et lancerez un baiser à votre Ami l’Arbre. Cette pratique est identique à celle du Salut de la Lune quand on la rencontre pour la première fois dans la nuit. C’est alors que vos sentiments vous diront si vous êtes effectivement en présence d’un Arbre mâle ou femelle, et vous lui donnerez alors un Nom approprié à son sexe, ou plutôt sa polarité.

Vous direz : « Mon Nom est… et je t’appellerai… » Ensuite, avancez jusqu’à l’Arbre, et étreignez votre nouvel Ami en serrant fort votre joue droite tout contre son beau tronc. Oui, vous n’êtes plus désormais qu’un seul et même être vivant, oui, vous sentez à présent passer entre vous deux un fort et puissant courant d’énergie, un Amour Vibrant. Souvenez-vous bien : plus vous serrez, plus le courant d’Amour passera.

Vous pourrez raconter à votre Ami l’Arbre tous vos ennuis, vos soucis, les projets que vous avez, les souhaits que vous chérissez. Vous lui demanderez de vous aider à guérir, à réussir votre vie…

Quand vous quittez votre Arbre, remerciez-le par son Nom, puis éloignez-vous de lui lentement, mais sans jamais vous retourner.

Le Gui, une lumière sylvestre

Au plus profond de l’hiver,  lorsque l’automne a réalisé son œuvre et que la quasi-totalité des feuilles est tombée ; on peut alors apercevoir sur les branches des arbres, ces petites touffes vertes auxquelles s’accrochent de petites boules blanches. Le Gui est une plante étrange, chargée de symboles depuis l’Antiquité, si chères aux druides de la Gaule, et aujourd’hui symbole de lumière à la Saint Sylvestre…

Gui botanique

Une curiosité botanique
« Le Gui fonctionne totalement à contre rythme ; à l’inverse de la plupart des plantes, les forces de l’été n’ont pas de pouvoir sur ses fruits, c’est le gel de l’hiver qui va nourrir sa fructification (baies à maturité au moment du solstice) et sa floraison (février). La famille du Gui est répandue sur toute la terre. On en trouve dans l’hémisphère sud, en Australie, en Nouvelle Zélande, en Afrique du Sud, en Amérique du Sud et chose curieuse, tous fleurissent et fructifient au même moment. La différence est que pour les uns, c’est l’été et pour les autres, c’est l’hiver. Subissant l’action de forces différentes ils semblent tous unis par une mémoire ancestrale. »
« Autre fait singulier chez le Gui, il ne change pas d’apparence. Mis à part la formation des fleurs et des baies, le Gui ne jaunit pas, ne flétrit pas, ne fane pas. Tout au long de l’année il verdoie dans toutes ses parties, de ce vert doré qui lui est propre. Le temps parait glisser sur lui, il reste étranger au rythme des saisons. Il perd bien ses feuilles tous les deux ans mais encore, feuille par feuille, si bien que cela ne se voit même pas… »
« Il faut également retenir sa physionomie de plantule, comme arrêtée à un stade immature. Chez les plantes ordinaires, la plantule est le point de départ du végétal proprement dit. Embryon formé de deux feuilles indifférenciées appelées cotylédons, il dépend encore pour sa survie des éléments nutritifs contenus dans la graine. Ensuite le végétal quitte cet état de plantule une fois qu’il s’est lié aux substances minérales terrestres. A partir de ce moment il devient une plante à part entière, autonome, adulte manifestant ses caractères spécifiques, reflets des forces terrestres et cosmiques. Chez le Gui, cette insertion dans le terrestre n’a jamais lieu, aussi la forme de plantule se répète t-elle à l’infini. D’une certaine façon, le Gui demeure sa vie durant un embryon. »

Une lumière au cœur de l’hiver
« C’est en hiver que le Gui prend toute sa signification. Alors que dans la nature toute vie semble avoir disparu, c’est aux environs du Solstice d’hiver (22 décembre) que les petites baies sphériques du Gui arrivent à maturité.
L’hiver dans les rythmes de la nature appartient à Saturne, période sombre où la lumière extérieure manque. Bien que les plantes aient disparu de la surface du sol et que les arbres ne portent plus de feuilles, la vie est toujours là mais elle a pris un chemin intérieur, souterrain. L’énergie vitale se prolonge au sein des racines ou des graines dans l’attente du renouveau printanier.
La saison hivernale est un moment d’intériorisation que l’on peut observer dans la nature mais aussi en nous-même. Notre état de conscience change, en nous invitant à nous rapprocher de notre Être profond, à nous plonger au fond de nous-mêmes.
A la différence de l’été où la vie se manifeste avec exubérance, l’hiver nous ramène à l’essentiel. C’est donc à ce moment très particulier du solstice d’hiver que le Gui manifeste toute sa vitalité, contraste étrange dans ce sommeil hivernal. » Lire la suite

Le mythe de l’arbre cosmique

L’arbre cosmique apparaît comme l’un des mythes les plus frappant, les plus féconds et aussi les plus universels qu’ai conçu l’humanité, afin d’expliquer la constitution de l’univers et de la place que l’homme doit y occuper.

Dans la mythologie norvégienne, Yggdrasil « le cheval du terrible », appelé aussi l’arbre cosmique, était un frêne géant qui reliait et abritait tous les mondes. Sous ses trois racines se trouvaient les royaumes d’Asgard, de Jotunheim et de Niflheim. On disait que trois puits gisaient à son pied: le puits de la sagesse (Mímisbrunnr), gardé par Mimir ; le puits du destin (Urdarbrunnr), gardé par les Norns; et la Hvergelmir (bouilloire ronflante), la source de nombreuses rivières. Quatre cerfs, représentant les quatre vents, couraient, disait-on, le long des branches et mangeaient les bourgeons. Parmi les autres habitants de l’arbre il y avait l’écureuil Ratatosk dents rapides”, notoire pour ses potins, et Vidofnir « le serpent de l’arbre », le coq doré perché sur la branche la plus haute. On disait que les racines étaient rongées par Nidhogg et d’autres serpents.

Dans la mythologie des Saxons existe un arbre-monde que l’on peut rapprocher d’Yggdrasil. Ce pilier du monde qu’est Irminsul était soit un arbre géant, ou peut-être une énorme colonne. À la fois symbole de la résistance du paganisme saxon et lieu de réunion des Païens qui lui apportaient une offrande après chaque victoire, Irminsul fut coupé ou abattu en 772 sur l’ordre du roi des Francs. Charlemagne se moquait des croyances païennes des Saxons selon laquelle Irminsul empêchait le ciel de leur tomber sur la tête.

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Dans l’Égypte antique, celle des pharaons où les arbres étaient rares. Les dieux trônaient au levant sur le haut du sycomore sacré, dont le bois les “contenait” et faisait leur subsistance. A l’opposé au couchant, siégeait la « Dame du sycomore », la divine vache créatrice du monde et du soleil. Elle émergeait du feuillage pour accueillir ceux qui venaient de mourir, leur offrant l’eau et le pain de bienvenue. Les âmes restaient sous la forme d’oiseaux sur les branches de l’arbre.
Cité dans le livre d’Amos 7:14 (livre de la Bible hébraïque) : »Amos répondit à Amatsia: Je ne suis ni prophète, ni fils de prophète; mais je suis berger, et je cultive des sycomores ».
A noter que le bois imputrescible du sycomore servait de demeure aux corps momifiés. Ainsi par l’entremise de l’arbre sacré, les esprits faisaient retour au sein du monde divin des essences éternelles qu’ils n’avaient quitté que pour le temps d’une vie.

L’arbre de la vie de la Kabbale (le courant ésotérique et mystique du judaïsme) avait 10 branches, les Sephiroth, représentant les 10 attributs ou émanations grâce auxquels l’infini et le divin étaient en relation avec le fini. Le chandelier à branches appelé ménorah, l’un des symboles les plus anciens du judaïsme, avait des liens avec l’arbre de vie. La forme de la ménorah, selon la Bible, avait été dictée à Moïse par Dieu ; il devait avoir six branches, avec des calices en forme d’amandes avec pommes et fleurs. Dans les Proverbes, il est dit que la sagesse est « un arbre de vie pour ceux qui la saisissent ».

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dieu-marin-sumer-zoroaster-tree-of-life-persia.jpg Pour les sumériens, il s’agissait de Kiskanu qui poussait en Mésopotamie dans la ville d’Eridu. Ville sainte du dieu Éa, « demeure des eaux », elle était le centre du monde d’où jaillissaient toutes les sources qui irriguaient tout le pays. L’arbre noir Kiskanu est la demeure du dieu de la fertilité, de l’agriculture et des arts, mais aussi de sa mère divinité de l’abondance des champs et reine des troupeaux. De ce mythe sumérien est né l’arbre qui croit au milieu du jardin planté dans l’Éden par Iahvé pour accueillir Adam, de ses racines jaillissent les quatre fleuves qui irriguent le paradis terrestre.
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Il y a deux arbres dans le jardin d’Éden, qui symbolisent ainsi le bonheur auquel l’humain est appelé : l’arbre de vie, et l’arbre de la science du bien et du mal.

« Iahvé fit germer du sol tout arbre agréable à voir et bon à manger, ainsi que l’arbre de vie au milieu du jardin et l’arbre de la science du bien et du mal. » (Genèse II, 9)

Le premier arbre, l’arbre de vie, se rencontre dans beaucoup d’autres mythes des peuples de l’Orient ancien, comme la célèbre épopée de Gilgamesh [1]. On y raconte comment le héros entend parler d’un arbre qui peut donner la vie éternelle, qui est le but de sa longue quête. Il en vient à trouver cet arbre, mais il lui est volé par un serpent, qui change de peau après avoir mangé de cet arbre. Tout cela signifie un renouvellement de vie et plénitude de vie (le serpent, parce qu’il change de peau, a toujours été interprété dans les anciennes mythologies, comme un symbole de vie éternelle, et chez les premiers chrétiens, de résurrection). Si le jardin d’Éden symbolise le bonheur humain, un des aspects de ce bonheur est la vie pleine, abondante et même éternelle qui est un don de la divinité.

A l’homme il dit : « Parce que tu as écouté la voix de ta femme et que tu as mangé de l’arbre au sujet duquel je t’avais donné un ordre, en disant : Tu n’en mangeras pas ! maudit soit le sol à cause de toi ! C’est dans la souffrance que tu te nourriras de lui tous les jours de ta vie. » (Genèse III, 17)

L’arbre de la science du bien et du mal est sujet à de nombreuses interprétations. Il semble plutôt que l’arbre symbolise le pouvoir absolu. En hébreu, comme dans les autres langues sémitiques, on aime indiquer une totalité par ses deux extrêmes. Ainsi, « le ciel et la terre » signifie l’univers. De cette manière, « le bien et le mal » ne signifierait pas l’un ou l’autre de ces deux réalités, mais les deux, c’est-à-dire « tout ». Quant au mot « connaissance », il n’a pas le sens abstrait que nous lui donnons dans nos langues. Dans les langues sémitiques, il implique connaissance profonde, intimité, pouvoir. Quand on connaît, on a créé des liens intimes et puissants avec le connu.

L’arbre de la science du bien et du mal symboliserait donc un autre désir profond de l’humain : celui d’être en mesure de connaître tout et d’utiliser ce pouvoir de façon absolue. En ce sens, le serpent dit à la femme, en reprenant l’expression « connaître le bien et le mal », que la manducation du fruit de cet arbre les rendrait comme des dieux. Être comme un dieu, avec un pouvoir absolu, c’est-à-dire ne plus être limité par la condition humaine, c’est bien là une tentation universelle pour tout humain à toutes les époques.

L’arbre sacré – Jacques Brosse

Jacques Brosse.

Le destin des hommes et des arbres

Le lien qui unissait le destin de l’homme à celui des arbres était si fort chez les peuples de tous les continents, qu’il est bien normal de s’inquiéter quant aux perspectives futures de la race humaine qui les a détruits. Quoi qu’il en soit, si l’on doit tenter de prévenir du réel danger que représente la déforestation pour notre planète, il semble nécessaire d’examiner toutefois brièvement, les relations entre l’homme et l’arbre jusqu’à notre présent siècle.

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L’Arbre Primitif

Partout dans le monde, on trouve des témoignages portant sur un arbre géant, l’Arbre primitif, qui avait jailli du centre de la Terre jusqu’au cieux et avait ordonné l’univers autour de lui. Il unifiait les trois mondes : ses racines plongeaient dans les abysses souterraines, tandis que ses plus légères branches caressaient l’Empyrée. Grâce à l’Arbre, on put respirer ; il dispensa ses fruits à toutes les créatures qui firent ensuite leur apparition sur Terre, s’épanouissant au soleil et se nourrissant de l’eau qu’il puisait en son sol. Du ciel, il attirait l’éclair duquel l’homme faisait le feu, en séduisant les cieux où les nuages se formaient autour de sa chute. L’Arbre était source de toute vie, et de toute régénération. Point étonnant donc, qu’adorer l’arbre fût alors un acte répandu.

A travers le Monde

Dans la chaleur torride d’Égypte régnait le sycomore, et en Scandinavie glaciale, terre des Teutons, Ygdrasill le frêne. Acvattha, le pipal (Ficus religiosa) d’Inde, est identifié à Brahman et c’est à son pied, que Gautama Bouddha atteignit l’illumination.

En Chine, Kien-mou, le “bois dressé”, se tenait au centre de l’empire et du monde entier. Pour les Mexicains anciens, l’arbre cosmique se déployait dans toutes ses diverses couleurs, du ventre de la terre déesse, dans la cinquième dimension de l’espace, qui unit le plus haut royaume au plus bas.
Jusqu’à récemment, l’arbre sacré en Afrique était le kilena du Dogon, le balanza du Bambara et l’ase des Dahomans, l’arbre ancestral, la demeure du dieu et de l’humanité.
Des communautés américaines sont allées jusqu’à faire de l’arbre sacré, le lieu de leur naissance.

L’Arbre et Dieu

Très souvent, un dieu fait de l’arbre son habitat sur Terre, le rendant sacré ; parfois il parle à l’homme via le médium de l’arbre. En Grèce, l’oracle de Dodona était donné par le bruissement des feuilles du chêne de Zeus, ensuite interprété par les prêtresses qui officiant dans le sanctuaire. Mais tout comme les dieux descendaient des arbres, les humains pouvaient aussi y grimper afin d’atteindre le ciel pour aller à leur rencontre. Ce qui était le cas des chamans sibériens qui se rendaient au sommet du bouleau ; ou de l’Arunta initié qui, en Australie, montait lui-même au sommet du poste sacré, un arbre sans branchages.

Certains arbres portant la marque d’un dieu particulier, étaient spécialement révérés. Mais on considérait que tous les arbres possédaient une âme. Ils étaient habités par des esprits, desquels corps ils faisaient des dryades, hamadryades et caryatides en Grèce, des Lechy et des Roussalki parmi les peuples slaves. On ne pouvait donc pas couper un arbre, à moins que l’esprit de l’arbre n’ait requis lui-même son déplacement. Couper des arbres sacrés était punissable de mort. Ronsard, le grand poète français du seizième siècle, relate ces croyances populaires dans son sublime « Elégie Contre les Bûcherons de Gâtine ».

L’idée d’un arbre divin donna naturellement lieu à la croyance d’un bois sacré, qui prenait le statut d’institution religieuse, non seulement parmi les Grecs, les Romains et les Celtes, mais aussi en Iran, à travers l’Asie, en Afrique et en Amérique. Des vestiges de ces bois sacrés demeurent encore en Inde, en Chine et au Japon, et parmi les Berbères d’Afrique du Nord. Dans les temps reculés il n’y avait pas d’autre sanctuaire. Le bois sacré inspirait révérence et crainte. On l’entourait de sévères interdictions, mais il était également le lieu de réunion des initiés qui y recevaient les enseignements oraux des prêtres. Le bois sacré est à l’origine du temple dont les colonnes furent initialement des arbres, et bien plus tard, de l’église chrétienne qui l’évoque encore par l’alignement de ses piliers, la semi pénombre intérieure, et la douce lumière colorée filtrée par ses vitraux. Lire la suite