L’arbre dans le processus alchimique

Le manuscrit de Ripley est un parchemin extraordinaire de 6 mètres de long, qui décrit comment fabriquer la mythique pierre philosophale. Ce manuscrit renferme de nombreux symboles mystiques. La signification précise des icônes alchimiques n’est pas tout à fait connue, et il ne fait aucun doute que certaines de ces imageries sont délibérément mystérieuses.

Une arche surmontée de flammes jaillit des branches d’un arbre à feuilles d’or. Sous les branches se distinguent un soleil avec des plumes dans sa bouche et une lune avec des plumes à côté. Ils flanquent une silhouette de lézard à tête humaine qui pend des branches de l’arbre et tend la main à un garçon assis dans une auréole au sommet d’une vigne qui serpente autour du tronc d’arbre. La vigne est tenue par un homme et une femme nus, qui se tiennent à côté de l’arbre dans un bassin à tourelle à six côtés, chaque tourelle portant un alchimiste tenant un flacon en verre.

Georges Ripley, rouleau manuscrit alchimique, Angleterre, 1624.

Aujourd’hui, 23 rouleaux manuscrits attribués à Georges Ripley sont connus au Royaume-Uni et aux États-Unis. Les illustrations de ces manuscrits sont similaires, avec des variations pour quelques exemplaires. Celui-ci est l’unique exemplaire privé connu, vendu par Christie’s pour 584,750 £ [1][2].

Homo arbor inversa

« Homo arbor inversa » une illustration extraite de l’ouvrage Parvus Mundus de Laurentius Haechtanus, édité pour la première fois à Anvers en 1579, richement illustré par le graveur Gérard de Jode. On soupçonne les gravures et le texte d’être d’inspiration hermétique.

Parvus Mundus ed. 1644

« Homo arbor inversa », Μικροκόσμος Parvus mundus, édition 1644, p. 77.

« Omnis arbor quae non facit fructum bonum exciditur et in ignem mittitur », Bible Vulgate (Mathieu 7,19).

Ainsi un bon arbre fait de beaux fruits, et l’arbre pourri fait de mauvais fruits.
Un bon arbre ne peut pas porter de mauvais fruits ni un arbre pourri porter de beaux fruits.
Tout arbre qui ne fait pas de beaux fruits sera coupé et jeté au feu.
La Bible Nouveau Testament, Évangile selon Matthieu, VIII, 17-19, édition La Pléiade.

Le poème en latin qui accompagne cette illustration nous fournit de plus amples explications :

L’homme est un arbre inversé : comme le dit Aristote, la tête de l’homme est comme la racine d’un arbre : d’elle dépend la prospérité de l’ensemble. Si la racine de l’esprit d’un homme est la sagesse, alors vide de mauvais fruit, il prospérera pleinement.

L’arbre comme symbole en alchimie

Se référant à l’œuvre divine de la création et au plan du salut qui lui est inhérent, on appelle le processus alchimique le Grand Oeuvre (Opus Magnum).

L’Opus part d’une mystérieuse matière première materia prima où les parties contraires, encore isolées, s’opposent violemment, mais qu’on intégrera petit à petit et qu’on mènera à l’état de parfaite harmonie sous la forme de la « pierre philosophale » ou lapis philosophorum : « tout d’abord, nous unissons, puis nous putréfions, nous dissolvons ensuite ce qui a été putréfié, nous purifions ce qui a été dissolu, nous réunissons ce qui a été purifié et nous le coagulons. Et c’est ainsi que l’homme et la femme sont un. »

Arbre est le nom que les Philosophes ont donné à la matière de la pierre philosophale, parce qu’elle est végétative. Le grand arbre des Philosophes, c’est leur mercure, leur teinture, leur principe, et leur racine ; quelquefois c’est l’ouvrage de la pierre. Un auteur anonyme a fait à ce sujet un traité intitulé : de l’Arbre solaire, de Arbore solari. On le trouve dans le 6e tome du Théâtre Chimique. Le Cosmopolite, dans son Énigme adressée aux Enfants de la vérité, suppose qu’il fut transporté dans une île ornée de tout ce que la nature peut produire de plus précieux, entre autres de deux arbres, l’un solaire et l’autre lunaire, c’est-à-dire, dont l’un produisait de l’or, et l’autre de l’argent.

Arbre de Vie est le nom que les philosophes hermétiques ont donné quelquefois à leur mercure ; mais plus communément à leur élixir, parce qu’il est alors la médecine des trois règnes, ou leur panacée universelle ; qu’il ressuscite les morts, c’est-à-dire les métaux imparfaits, qu’il élève à la perfection de l’argent, s’il est au blanc, et à celle de l’or, s’il est au rouge. Ils l’ont aussi appelé Bois de vie. (clic les illustrations)

arbrephilosophique1.jpgArbre philosophique, J.D. Mylius, Anatomia auri, 1628.

Cette représentation de l’opus magnum est inspirée de la construction de l’arbre des séphiroth. Les forces dissolvantes et les forces conjonctives se font face, assises sur les branches collatérales, de part et d’autre du tronc. A gauche, on a le volatil mercure avec des ailes aux pieds et, lui faisant pendant, le soufre qui crache du feu. Un étage plus haut, diagonalement opposés à la figure à laquelle ils correspondent, on les revoit, sublimés et couronnés. Et, tout en haut, au troisième étage, ils s’unissent pour donner la teinture lunaire. Celle-ci enfante alors le soufre solidifié, le fils du soleil. Il porte sur son chef, la couronne des trois règnes, végétal, animal et minéral.
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arbrealchimique3.jpgArbre symbolique portant les métaux et les planètes de même origine, Musaeum Hermeticum, ed. Francofurti, 1678.

Cette image qui parait à trois reprises dans la Philosophia Reformata est utilisée comme page de titre de la seconde partie de l’Œuvre (Liber secuncdus). Par ailleurs, la même gravure figure dans plusieurs autres traités et plus particulièrement sur le frontispice de Gloria Mundi alias Paradysi tabula, imprimé dans l’édition de 1678 du Musaeum Hcrmetitum. Elle s’inspire de deux gravures sur bois (datées de 1605) qui figurent dans Azoth sive Aureliae occultae en 1613. Dans l’Arbre de la Philosophie les étoiles représentent les Cinq premiers degrés de la Perfection. Le sixième étant la Lune (Albedo) et le septième le Soleil Parfait. Ces sept opérations dans les médaillon autour de l’Arbre sont en contraste les unes par rapport aux autres, par exemple Putréfaction et Résurrection. De part et d’autre, le Roi et la Reine représentent à la fois les Principes opposés et deux des Quatre Éléments ; le Dragon symbolise la Terre, le Roi le Feu, la Reine l’Eau, et l’Aigle l’Air. En opposition, au premier plan les Alchimistes Senior et Adolphus discutent.

salomontrismosinsplendorsolis.jpg.Salomon Trismosin, Splendor solis, 1582.

Enée, ici majestueusement vêtu de rouge, reçoit des mains de son fils Silvius une branche de l’Arbre de Vie, afin qu’elle le protège lors de son passage par la putréfaction et le feu purificateur des Enfers. Cela se terminera bien, puisque l’on sait, par Trismosin, que la tête du corbeau est passée au blanc.

« Plante cet arbre sur le lapis (…), afin que les oiseaux du ciel l’habitent et fécondent sur ses branches, car, sache-le, c’est de là que s’élève la sagesse. » (Theatrum chemicum)

Heinrich Jamsthaler, Viatorum spagyricum, 1625.

Nous retrouvons Rebis. Le corbeau symbole du noir, veut dire que le mariage philosophique, l’union du Soufre et du Mercure, du mâle et de la femelle a lieu pendant la couleur noire. Les trois serpents sont les symboles des trois principes. Le croissant et l’arbre lunaire signifient qu’il s’agit ici de la Pierre blanche, du petit magistère.

samuelnortonmercuriusredivivusarborphilosophica2.jpegArboris philosophica de Elixire albo i Solo Mercure,
Samuel Norton – Mercurius redivivus, 1630.

Les 12 opérations représentées dans l’Arbre Philosophique  :
Calcination ; Dissolution ; Séparation des éléments ; Conjonction ; Putréfaction ; Coagulation ; Cibation (administration de la nourriture selon proportion) ; Sublimation ; Fermentation ; Élévation ;  Accroissement ; Projections.

« Ce qui est en bas est comme ce qui est en haut,
et ce qui est en haut est comme ce qui est en bas
»

Gravure faite par Matthäus Merian pour Médico-Opus Chymicum

Matthäus Merian – Médico-Opus Chymicum. (prêtez attention aux arbres)