Le shintoïsme est avant tout une attitude devant la vie qui se traduit par le respect de la nature dans sa force et sa beauté. Ses adeptes vénèrent les kami. Ceux-ci peuvent être définis comme toutes les forces qui dépassent l’Homme et la compréhension ordinaire, et qui suscitent vénération et crainte.
Les kami sont innombrables et se retrouvent partout incarnés dans la nature. Cela peut être les astres : soleil, lune… ; des phénomènes naturels : typhon, des lieux : montagne, rivière, des éléments de la nature : arbre, rocher ; mais aussi des êtres vivants ou morts tel les animaux sauvages. De fait le sanctuaire shintô « primitif », c’est la nature, inviolée ou reconstituée. Les kami ne sont intrinsèquement ni bon, ni mauvais, mais à l’image de la nature, leur caractère est ambigu. Les croyants cherchent donc à se préserver de leur arami-tama (« esprit de violence ») par des cérémonies appropriées.
A l’origine il n’existait pas de bâtiments particuliers pour vénérer les kami. Ceux-ci étant supposés résider selon les mythes dans différents endroits : les plaines du ciel (takamaga-hara), l’au-delà des mer (tokoyo), l’au-delà souterrain (yomi no kuni). Il s’agit là des lieux habituels de résidences des kami. Cependant les kami descendent, le temps des rites, dans certains éléments, éléments à l’origine de la nature d’où l’absence dans le shintô primitif de sanctuaires bâtis. Encore actuellement des sanctuaires, appelés honden, sont dépourvus de bâtiments cultuels et considérèrent la montagne comme « corps de la divinité », shintai.
De même, il se trouve encore dans certains sanctuaires des shimboku, arbres du dieu, qui désignent les arbres qui abritent une divinité. Il se distingue souvent par la corde de paille de riz, shimenawa, qui entoure leur tronc. Plus encore qu’un abri pour une divinité le shimboku peut être le corps, shintai, de la divinité principal d’un sanctuaire. On retrouve aussi, au centre du bâtiment principal de certains sanctuaires la survivance de cet arbre sacré au travers d’un pilier central, shin no mihashira. Ce pilier planté dans le sol est l’objet du culte en tant que support des dieux.
“Nous avons oublié ce que nos ancêtres appelaient un bois sacré, nous avons enfermé nos croyances dans des temples de pierre et nous n’avons plus permis à la nature d’élever notre âme que par le détour de son Créateur. Mais, ici, sa grande voix faite de recueillement et de mystère chante mélancolique et profonde, angoissante pour nous, comme la voix de je ne sais quels remords. Nous avons voulu exalter par nos richesses l’ardeur de croire, et la nature humilie notre pauvreté humaine parce que, sans effort, sa voix monte plus haut. Pénétrons les voûtes d’ombre.
Partout, au Japon, il se rencontre des bois sacrés. Dans la campagne, comme des taches au milieu du vert pâles des rizières, vous voyez leurs ombres noires, quelques rochers entre lesquels un escalier moussu serpente sous un manteau de pins. Le torii, aux lignes à la fois élégantes et sévères, marque l’entrée sainte d’un lieu sacré. Ce n’est qu’un cadre de bois frustre, dont en bas les montants s’évasent, et dont en haut le faîte s’incurve et se relève légèrement aux deux extrémités. Mais sa majesté est immense.” (F. Joüon des Longrais, Extrême-Asie, Ed. Pierre Roger, 1927)
Le mot japonais ancien Mori, qui signifie “un bois”, peut décrire un bois sacré ou un temple. Les bosquets sacrés au Japon sont généralement associés à des sanctuaires shintoïstes, et sont situés partout au Japon. Le cèdre du Japon (Cryptomeria japonica) est un arbre considéré comme sacré, et est à ce titre vénéré dans le Shintoïsme [1][2].
Parmi les bosquets sacrés associés à une telle jinjas ou sanctuaires shinto est la zone de 20 hectares boisés associés à Atsuta Shrine à Atsuta-ku, Nagoya. Les 1500 hectares de forêt associée au Sanctuaire Kashima ont été déclarés “zone protégée” en 1953. Aujourd’hui, elle fait partie de la Kashima Wildlife Conservation Area. Les bois comprennent plus de 800 sortes d’arbres et abritent une grande biodiversité animale et végétale.
Tadasu no Mori est un terme général pour une région boisée associée à la Kamo-jinja, qui est un sanctuaire Shintoïste près des rives de la rivière Kamo, dans le nord de Kyoto. L’étendue de la forêt d’aujourd’hui englobe environ 12,4 hectares, qui sont conservés comme un site historique national. Le Sanctuaire Kamigamo et le Sanctuaire Shimogamo, avec d’autres Monuments historiques de l’ancienne Kyoto (Kyoto, Uji et Otsu), ont été classés au patrimoine mondial depuis 1994.
Le Utaki (sites sacrés souvent associés avec les lieux de sépulture) sur Okinawa sont fondées sur la religion Ryukyu, Et sont généralement associées à toun ou kami-Asagi – les régions dédiées aux dieux, où les gens n’ont pas le droit d’aller. Les bois sacrés sont souvent présents dans de tels lieux, mais aussi dans les Gusukus (des zones fortifiées qui contiennent des sites sacrés en leur sein).
Le Seifa-utaki a été désigné comme patrimoine mondial par l’UNESCO en 2003. Il se compose d’une caverne triangulaire formée par des rochers gigantesques, et contient un bois sacré avec des essences rares comme les arbres indigènes Kubanoki (une sorte de palmier) et le yabunikkei (une forme de cannelle sauvage). L’accès direct à la forêt est interdit.
La photo m’a été prêtée par Jonathan Dresner, historien et spécialiste du Japon [3].
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Consulter la liste des 10 plus belles forêts sacrées au Japon, voir ici