Paul de l’Obnora

Paul de l’Obnora est né à Moscou en 1317. Dès son plus jeune âge, il se distingua par la piété et la miséricorde envers les pauvres et les souffrants. Ses parents riches l’avaient préparé à une vie mondaine, mais à l’âge de vingt-deux ans, il a secrètement quitté le domicile et a prononcé ses vœux monastiques au monastère Rozhdestvensky sur la Volga. De là, Paul s’est rendu au monastère de la Sainte-Trinité chez le moine Serge de Radonège et a passé plusieurs années avec lui, obéissant entièrement à la sage direction du saint homme.

Avec la bénédiction du moine Serge, il s’installa hors du monastère dans une cellule d’ermite, où il passa quinze ans en réclusion. Après avoir demandé à Serge sa bénédiction pour mener dans le désert une vie silencieuse et solitaire, il erra longtemps à la recherche d’un lieu de solitude. Il s’est finalement arrêté dans la forêt de Komel. Et au-dessus de la rivière Gryazovitsa, le moine s’est bâti une petite cellule au creux d’un vieux tilleul, et y a vécu pendant trois ans dans un silence complet.

Paul de l-Obnora en ermite au creux du tilleul

Puis il a traversé la rivière Nurma, où il s’est construit une hutte et a creusé un puits. Ses journées se passaient en veille et en prière. Cinq jours par semaine, il était sans nourriture, et ce n’est que le samedi et le dimanche qu’il mangeait un peu de pain et d’eau. La parole de l’ermite s’est largement répandue, et ceux qui voulaient sa direction spirituelle commencèrent à venir à lui. Malgré son amour pour la vie solitaire, le moine n’a jamais refusé à personne le confort et les conseils spirituels.

Le moine Paul construisit en 1414 l’église de la Sainte-Trinité, autour de laquelle se développa un monastère, qui reçut le nom de Pavlo-Obnorsk. Ayant écrit pour les frères les règles strictes de la vie monastique, le moine confia la gestion du nouveau monastère à son disciple Alexy, tandis que lui-même continuait à vivre dans une cellule isolée sur la montagne, tout en restant un mentor sensible et bienveillant pour tous ceux qui avait besoin de son aide pour guérir. Le moine Paul mourut à l’âge de 112 ans. 
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Moines et monastères dans les sociétés de rite grec et latin, Volume 5 ; Jean-Loup Lemaître, Michel Dmitriev, Pierre Gonneau, Fondation Singer-Polignac. Librairie Droz, 1996, p. 19.

Calendrier de l’Eglise Orthodoxe, Преподобный Павел Комельский (Обнорский).

Illustration : détail d’une grande scène hagiographique représentant la vie de Paul en l’église Pierre-et-Paul de Vologda, seconde moitié du XVIIe siècle.

L’arbre au dragon

Plusieurs archétypes se rejoignent ici : la mémoire de l’arbre de Jessé qui assure la continuité de la lignée des rois portugais ; l’arbre du jardin des Hespérides avec ses pommes dorées ; le dragon chtonien (de la terre) protégeant la promesse de fleurs et de fruits du Portugal.

Sur cette gravure, le dragon n’a pas d’ailes et ressemble à un énorme saurien. Le texte fait référence à deux personnages, Alcide et Lysius, comme ancêtres mythiques, respectivement d’Espagne et du Portugal.

Antonio de Sousa de Macedo - Lusitania Liberata BNE

In tempus, vigilo, simulans dormire; neque ullum
Iam timeo Alcidem, Lysius arma colens.

« Je veille, tout en faisant semblant de dormir pour un temps;
et je ne crains plus aucun Alcide, moi Lysius qui fourbis mes armes. »

En d’autres termes : comme Lysius, en armes, je ne crains plus aucun Alcide.

Lysius apparaît à plusieurs reprises dans les Lusíadas (I, 39; III, 21; VIII, 2) : il est le fils et/ou le compagnon de Bacchus qui, selon Camões, s’est installé au Portugal. Les érudits de la Renaissance ont associé ce nom à Lusitânia. Pline parle également d’un fils de Bacchus appelé Lysias ou Lysa.

Alcide est l’un des noms d’Hercule, descendant de Zeus et d’Alcmène. Les souverains espagnols se sont présentés comme les descendants d’Hercule : cet ancêtre mythique explique, par exemple, la série de toiles de Zurbarán sur les travaux d’Hercule dans le Salon de Reinos, créé par Velázquez en 1635.

Donc, par crainte d’Alcides, c’est-à-dire, de l’invasion espagnole, Lysius s’est identifié au dragon de la maison Bragance, veilleur sans sommeil, défendant l’arbre terrestre.

Couché au pied de l’arbre central, comme un anneau protecteur, le dragon ressemble vaguement à un ouroboros. L’arbre est en plein essor avec son feuillage et ses fruits. À droite, en arrière-plan, un autre arbre replié et sec s’élève : il suggère la lignée interrompue de Manuel ou la mort symbolique de la lignée Filipes en terres portugaises. La vraie greffe prospère sur le nouvel arbre. Le paysage des terres fertiles nous rappelle que le corps du roi est le corps de la terre. Dans l’univers traditionnel, la santé du roi est la santé de la terre et des produits de la terre. Un mauvais roi, ou un roi non légitime, cause la stérilité de la terre. En revanche, la continuité du sang royal permet de comprendre la phrase « Le roi est mort, vive le roi ».

L’opposition entre Alcides et Lísio présente dans le texte latin réapparaît dans l’opposition des arbres secs et vivants. (Voyez surtout l’importance de l’archétype de l’arbre sur cette image). Cet arbre a eu son sommet coupé, symbole des pertes subies et à subir pendant la guerre avec l’Espagne mais le tronc reste solide et vert.

Il s’agit d’un arbre cosmique et vivant, véritable axis du royaume du Portugal dont le dragon est le gardien.
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Antonio de Sousa de Macedo, Lusitania Liberata, livre III, 1645, page 542. Conservé à la Biblioteca National de Portugal.

Lilian Pestre De Almeida (Universidade Independente, Lisboa). A Lusitania Liberata ou A Restauração Portuguesa Em Imagens, Talia Dixit 6, 2011, pp. 85-119 (Revista Interdisciplinar de Retórica e Historiografía).

Je tiens à remercier Guillaume Flamerie de Lachapelle – Maître de conférences de langue et littérature latines à l’Université de Bordeaux – une aide plus que précieuse pour la traduction du latin.

L’arbre mangeur d’hommes

L’arbre Ya-te-veo est décrit comme étant originaire d’Afrique et d’Amérique centrale, nommé ainsi car il produisait un sifflement similaire à la phrase espagnole « ya te veo » (maintenant je te vois).

L’arbre était censé avoir des branches tentaculaires parsemées d’épines empoisonnées qui ressemblaient à de nombreux serpents énormes, s’élançant parfois d’un côté à l’autre comme pour frapper un ennemi imaginaire, qui saisissaient et transperçaient toute créature à portée de main.

ya-te-veo Sea and Land by J. W. Buel, 1887

James W. Buel, Sea and land : an illustrated history of the wonderful and curious things of nature existing before and since the deluge, 1887, pp. 475-477.
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Magnifique hoax de la fin du XIXè siècle. L’histoire a débuté par un article paru en 1874, et il faudra attendre une publication scientifique de Willy Ley en 1955 pour que cette découverte soit définitivement réfutée. Je vous invite à consulter l’article de Wikipédia en anglais richement référencé pour retracer cette histoire qui a passionné les lecteurs pendants plusieurs décennies.