Le mythe de l’arbre cosmique

L’arbre cosmique apparaît comme l’un des mythes les plus frappant, les plus féconds et aussi les plus universels qu’ai conçu l’humanité, afin d’expliquer la constitution de l’univers et de la place que l’homme doit y occuper.

Dans la mythologie norvégienne, Yggdrasil « le cheval du terrible », appelé aussi l’arbre cosmique, était un frêne géant qui reliait et abritait tous les mondes. Sous ses trois racines se trouvaient les royaumes d’Asgard, de Jotunheim et de Niflheim. On disait que trois puits gisaient à son pied: le puits de la sagesse (Mímisbrunnr), gardé par Mimir ; le puits du destin (Urdarbrunnr), gardé par les Norns; et la Hvergelmir (bouilloire ronflante), la source de nombreuses rivières. Quatre cerfs, représentant les quatre vents, couraient, disait-on, le long des branches et mangeaient les bourgeons. Parmi les autres habitants de l’arbre il y avait l’écureuil Ratatosk dents rapides”, notoire pour ses potins, et Vidofnir « le serpent de l’arbre », le coq doré perché sur la branche la plus haute. On disait que les racines étaient rongées par Nidhogg et d’autres serpents.

Dans la mythologie des Saxons existe un arbre-monde que l’on peut rapprocher d’Yggdrasil. Ce pilier du monde qu’est Irminsul était soit un arbre géant, ou peut-être une énorme colonne. À la fois symbole de la résistance du paganisme saxon et lieu de réunion des Païens qui lui apportaient une offrande après chaque victoire, Irminsul fut coupé ou abattu en 772 sur l’ordre du roi des Francs. Charlemagne se moquait des croyances païennes des Saxons selon laquelle Irminsul empêchait le ciel de leur tomber sur la tête.

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Dans l’Égypte antique, celle des pharaons où les arbres étaient rares. Les dieux trônaient au levant sur le haut du sycomore sacré, dont le bois les “contenait” et faisait leur subsistance. A l’opposé au couchant, siégeait la « Dame du sycomore », la divine vache créatrice du monde et du soleil. Elle émergeait du feuillage pour accueillir ceux qui venaient de mourir, leur offrant l’eau et le pain de bienvenue. Les âmes restaient sous la forme d’oiseaux sur les branches de l’arbre.
Cité dans le livre d’Amos 7:14 (livre de la Bible hébraïque) : »Amos répondit à Amatsia: Je ne suis ni prophète, ni fils de prophète; mais je suis berger, et je cultive des sycomores ».
A noter que le bois imputrescible du sycomore servait de demeure aux corps momifiés. Ainsi par l’entremise de l’arbre sacré, les esprits faisaient retour au sein du monde divin des essences éternelles qu’ils n’avaient quitté que pour le temps d’une vie.

L’arbre de la vie de la Kabbale (le courant ésotérique et mystique du judaïsme) avait 10 branches, les Sephiroth, représentant les 10 attributs ou émanations grâce auxquels l’infini et le divin étaient en relation avec le fini. Le chandelier à branches appelé ménorah, l’un des symboles les plus anciens du judaïsme, avait des liens avec l’arbre de vie. La forme de la ménorah, selon la Bible, avait été dictée à Moïse par Dieu ; il devait avoir six branches, avec des calices en forme d’amandes avec pommes et fleurs. Dans les Proverbes, il est dit que la sagesse est « un arbre de vie pour ceux qui la saisissent ».

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dieu-marin-sumer-zoroaster-tree-of-life-persia.jpg Pour les sumériens, il s’agissait de Kiskanu qui poussait en Mésopotamie dans la ville d’Eridu. Ville sainte du dieu Éa, « demeure des eaux », elle était le centre du monde d’où jaillissaient toutes les sources qui irriguaient tout le pays. L’arbre noir Kiskanu est la demeure du dieu de la fertilité, de l’agriculture et des arts, mais aussi de sa mère divinité de l’abondance des champs et reine des troupeaux. De ce mythe sumérien est né l’arbre qui croit au milieu du jardin planté dans l’Éden par Iahvé pour accueillir Adam, de ses racines jaillissent les quatre fleuves qui irriguent le paradis terrestre.
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Il y a deux arbres dans le jardin d’Éden, qui symbolisent ainsi le bonheur auquel l’humain est appelé : l’arbre de vie, et l’arbre de la science du bien et du mal.

« Iahvé fit germer du sol tout arbre agréable à voir et bon à manger, ainsi que l’arbre de vie au milieu du jardin et l’arbre de la science du bien et du mal. » (Genèse II, 9)

Le premier arbre, l’arbre de vie, se rencontre dans beaucoup d’autres mythes des peuples de l’Orient ancien, comme la célèbre épopée de Gilgamesh [1]. On y raconte comment le héros entend parler d’un arbre qui peut donner la vie éternelle, qui est le but de sa longue quête. Il en vient à trouver cet arbre, mais il lui est volé par un serpent, qui change de peau après avoir mangé de cet arbre. Tout cela signifie un renouvellement de vie et plénitude de vie (le serpent, parce qu’il change de peau, a toujours été interprété dans les anciennes mythologies, comme un symbole de vie éternelle, et chez les premiers chrétiens, de résurrection). Si le jardin d’Éden symbolise le bonheur humain, un des aspects de ce bonheur est la vie pleine, abondante et même éternelle qui est un don de la divinité.

A l’homme il dit : « Parce que tu as écouté la voix de ta femme et que tu as mangé de l’arbre au sujet duquel je t’avais donné un ordre, en disant : Tu n’en mangeras pas ! maudit soit le sol à cause de toi ! C’est dans la souffrance que tu te nourriras de lui tous les jours de ta vie. » (Genèse III, 17)

L’arbre de la science du bien et du mal est sujet à de nombreuses interprétations. Il semble plutôt que l’arbre symbolise le pouvoir absolu. En hébreu, comme dans les autres langues sémitiques, on aime indiquer une totalité par ses deux extrêmes. Ainsi, « le ciel et la terre » signifie l’univers. De cette manière, « le bien et le mal » ne signifierait pas l’un ou l’autre de ces deux réalités, mais les deux, c’est-à-dire « tout ». Quant au mot « connaissance », il n’a pas le sens abstrait que nous lui donnons dans nos langues. Dans les langues sémitiques, il implique connaissance profonde, intimité, pouvoir. Quand on connaît, on a créé des liens intimes et puissants avec le connu.

L’arbre de la science du bien et du mal symboliserait donc un autre désir profond de l’humain : celui d’être en mesure de connaître tout et d’utiliser ce pouvoir de façon absolue. En ce sens, le serpent dit à la femme, en reprenant l’expression « connaître le bien et le mal », que la manducation du fruit de cet arbre les rendrait comme des dieux. Être comme un dieu, avec un pouvoir absolu, c’est-à-dire ne plus être limité par la condition humaine, c’est bien là une tentation universelle pour tout humain à toutes les époques.

10 réflexions sur “Le mythe de l’arbre cosmique

  1. bohimei

    Très intéressant ce petit article, bon récapitulatif 🙂

    Nb: un sephira, des sephiroth: l’arbre de la cabale est composé de 10 sephiroth qui correspondent aux 10 étapes de créations; ils sont plus des centres d’énergie cosmiques que des branches. Les branches permettent au flux de circuler, elles relient les « points vitaux » de l’arbre.

    Bonne continuation et bonne recherche!

  2. Salut Bohimei,

    Merci de rectifier le tir quand il le faut…
    Je dois avouer que ce n’est pas facile de suivre la mystique juive, j’ai essayé au mieux de synthétiser tout ce que j’en ai lu… Petit à petit j’étoffe cet article originel, par d’autres plus détaillés consacrés à un arbre cosmique en particulier. Merci de tes remarques éclairées,

    à bientôt

  3. Halford Thomas

    Bonjour,

    Pouvez-vous me dire d’où provient la gravure ancienne « arbre cosmique » noir et blanc visible dans « voir l’album » (2ème série, 1ère colonne, dernière image en commençant par le haut).
    Merci beaucoup pour l’info.
    Thomas HALFORD
    Ingénieur forestier

  4. Bonjour,

    Je me suis réveillée avec l’empreinte de ton site… Ce sont les Krapos qui m’ont guidés jusqu’ici..!

    Tu as un site magnifique. Avec un tas de références !

    Je laisse un com’ sur cette partie car c’est avec celle ci, entre autre, que je travaille.

    L’arbre est un très fort symbole universel, c’est la vie tout simplement..

    Je ne m’étendrais pas ici… pour l’instant ! Juste un petit coucou et je trouve important de dire quand les choses sont aussi magnifiques donc voila !

    Une discussion de plus à avoir… 😉

    Je repasserais…!

  5. Bonjour petite fée

    ainsi tu as trouvé le chemin jusqu’à mon antre ?
    bien content et pas peu fier que le blog te plaise, nous aurons l’occasion de discuter un peu plus sur les arbres, sur les mythes, sur les énergies et de notre place dans l’univers…

    à bientôt

  6. Ping : Index : symboles, mythes, textes divers « Krapo arboricole

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