Peu d’arbres atteignent ou dépassent le millénaire dans l’hémisphère Nord, alors quand Sisley m’a averti de la découverte de peuplements de genévriers multi-séculaires à flanc de falaise dans l’Ardèche, imaginez donc ma joie ! S’il ne s’est pas lui-même rendu auprès de ces arbres antiques, il a réunit pour nous quelques photos, de nombreux documents et s’est entretenu avec J.P. Mandin qui a dirigé les recherches sur le terrain.
Un article long et parfois technique, mais qui permet de découvrir ce fantastique patrimoine.
« L’article qui suit est une synthèse de l’étude du genévrier de Phénicie sur les falaises des gorges de l’Ardèche, les différents points mis en avant proviennent de documents écrits par Jean-Paul Mandin, professeur et docteur en écologie. Ancien professeur de biologie-écologie, il a enseigné la botanique pendant toute sa carrière, est également vice-président de la Société botanique de l’Ardèche et membre du conseil scientifique de la Réserve naturelle nationale des gorges de l’Ardèche. »
« C’est grâce à lui et à son bon vouloir que nous pouvons aujourd’hui apprécier l’article qui a découlé de la réunion d’une grande quantité de données. »
« Mon intérêt pour cette plante commença lorsqu’un ami, ancien élève du lycée agricole Olivier de Serres d’Aubenas, me raconta l’étude à laquelle il participait avec sa classe sous la direction de M. Mandin alors encore enseignant dans l’établissement en matière d’écologie pour les étudiants du BTS Gestion et protection de la nature. »
« Puis après quelques années, je décidais enfin d’en savoir davantage après avoir lu un rapport sur un peuplement de genévriers et je pris contact avec M. Mandin afin qu’il puisse m’en dise long sur le sujet. »
« Le résultat fut prometteur, car désormais nous avons enfin pu façonner un reportage sur cette espèce si particulière et discrète, qu’est le genévrier de Phénicie. »
Afin que la lecture ne soit pas trop longue, j’ai assemblé les points essentiels des documents et pour ceux qui veulent en savoir davantage, une série de rapports rédigés par le professeur Mandin sera mis à dispositions plus bas.
L’étonnante histoire non pas d’un arbre mais de différents peuplements peut alors débuter :
« Tout d’abord, un mot sur l’origine de son nom, contrairement à ce que l’on pourrait penser, ce genévrier n’est pas directement lié à la Phénicie et son nom latin est souvent utiliser à tort, car la faute de transcription remonte à la classification taxonomique de Linné qui pensait que phoenicia faisait le lien avec Phénicie bien qu’il l’ai écrit avec un p minuscule, or cela signifie d’un rouge éclatant ou pourpre en grec ; en latin phoeniceus, ce qui se rapporte directement à la couleur automnale de ses baies rouges ou plutôt devrait-on écrire de ses cônes. (source : « Le nom de l’arbre, le genévrier, Actes Sud » et un site internet où l’on peut consulter le « dictionnaire étymologique de la flore française ». »
« Dans l’hémisphère nord, il existe 60 espèces de genévriers dont 5 en France plus une sous-espèce : le cade, le thurifère, le commun, le sabine, de Phénicie et le commun nain. »
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Carte d’identité du genévrier de Phénicie
Cône brun orangé à maturité, gros (5-15 mm) / Feuilles en écaille très petites
Pas ou peu de rameaux à feuilles piquantes / Arbrisseau dressé
Rameaux cylindriques / Espèce monoïque (parfois dioïque)
Héliophile / Xérophile essentiellement sur calcaire et sols superficiels
Capable de se développer dans les fissures de rochers : corniches, falaises, rochers maritimes, garrigues rocailleuses
Assez commun en région méditerranéenne, son aire est cependant moins étendue que celle du Genévrier oxycèdre. Jusqu’à 1200 m
Dans le groupe phœnicea, on distingue également trois taxons : J. phœnicea, J. turbinata subsp. turbinate et J. turbinatea subsp. canariensis.
Le Genévrier de Phénicie ou Mourven des provençaux : Juniperus phœnicea
C’est le deuxième genévrier méditerranéen qui se distingue immédiatement de son cousin, le Cade, par ses innombrables ramules couverts de feuilles en écaille minuscules. Son aire de répartition est également moins étendue.
Très xérophile, il affectionne les garrigues les plus pauvres, les fissures des rochers et même les falaises calcaires où ses boules rouge brique défient l’ensoleillement le plus fou et l’aridité quasi absolue (étage thermoméditerranéen).
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En juin 1999 paraissait un entrefilet dans la revue La Recherche indiquant ceci :
« L’étude de quarante-six falaises américaines et européennes révèle que les forêts buissonnantes de ces escarpements rocheux seraient parmi les plus anciennes de l’hémisphère Nord (D.W. Larson et coll., Ancient stunted trees on cliffs, Nature, 398, 382, 1999). Un genévrier des Gorges du Verdon, par exemple, a 1 140 ans. Ces forêts naturelles, aux arbres de petite taille et à croissance très ralentie, ont échappé aux perturbations des activités humaines, même en pleines zones agricoles ou industrielles. »
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