Comme nous l’avons déjà vu, la tradition japonaise est emplie de révérence pour la nature [1], et parmi toutes les essences d’arbres insulaires le Cryptomeria japonica [2] apparait comme un emblème du pays (la plupart des temples ont été construits avec son bois). Si beaucoup ont disparu sous la cognée, quelques forêts subsistent, protégées comme un trésor national, abritant de fabuleux écosystèmes.
L’ile de Yakushima abrite un de ces sanctuaires sylvestres, une forêt primaire classée patrimoine mondial par l’UNESCO, et en son sein se trouvent quelques Sugi vénérables, nombre d’entre eux ont dépassé le millénaire… Si vous connaissez l’animation japonaise, cette forêt a inspiré Hayao Miyazaki pour créer l’univers de “Princesse Mononoke“.
C’est en parcourant le livre de Jérôme Hutin [3] que j’ai découvert Jōmon Sugi pour la première fois, un vénérable âgé de 3000 ans, le doyen de cette forêt sacrée. Cela fait longtemps que je suis sur sa trace, mais malheureusement je n’ai pas de connaissances au Sud du Japon, je me suis donc mis en quête de photos… Et je dois avouer qu’il n’est pas facile de s’y retrouver dans l’internet nippon ! Finalement, j’ai rencontré Kei qui tient une auberge de jeunesse sur l’ile, et elle a volontiers accepté de me prêter ses clichés.
« Le Cryptomeria japonica, qui pousse entre six cents et mille huit cents mètres d’altitude, a une grande importance pour les gens de l’île où il est appelé Sugi autrement dit Cèdre. Quand ces arbres dépassent les mille ans, ils deviennent Ko-sugi, tandis que les Yaku-sugi auraient, eux, plus de trois mille ans, comme Dayo-sugi le roi des Cèdres. »
« Le plus célèbre cependant, celui qui attire les foules, reste, bien sûr, le Jōmon-sugi qui aurait entre trois mille et sept mille deux cents ans, ce qui me laisse assez perplexe. En étudiant, sur certaines souches ou troncs morts, les courbes annuelles de croissance, j’ai estimé que ces arbres grandissaient de un millimètre par an, ce qui indique que leur croissance est lente. Si l’on se réfère à cette estimation et si l’on considère que le Jōmon-sugi a un rayon approximatif de deux mille sept cents millimètres, il est facile de se rendre compte qu’on est loin des sept mille ans. De plus, on sait qu’il y a environ six mille ans une grande éruption volcanique aurait décimé la nature en un rien de temps. Est-il pensable que notre arbre vénérable et vénéré puisse être un survivant de ce cataclysme ? »
« Si de la mousse se voit sur le côté du tronc, si le sol est abîmé par le compactage, des actions sont engagées pour sauver cet arbre vénérable, le maître incontesté de la forêt pluviale de Yaku-shima. On prétend que l’on peut voir un visage sur son tronc, eh bien, je l’ai vu : les deux yeux, le nez, la bouche. »
« Aussi, je l’appelle le Mori sansei, le Maître de la forêt. » – Jérôme Hutin [3]
25 mètres de hauteur ; 16,20 mètres de circonférence ; un âge d’environ 3000 ans. Lire la suite