L’arbre au dragon

Plusieurs archétypes se rejoignent ici : la mémoire de l’arbre de Jessé qui assure la continuité de la lignée des rois portugais ; l’arbre du jardin des Hespérides avec ses pommes dorées ; le dragon chtonien (de la terre) protégeant la promesse de fleurs et de fruits du Portugal.

Sur cette gravure, le dragon n’a pas d’ailes et ressemble à un énorme saurien. Le texte fait référence à deux personnages, Alcide et Lysius, comme ancêtres mythiques, respectivement d’Espagne et du Portugal.

Antonio de Sousa de Macedo - Lusitania Liberata BNE

In tempus, vigilo, simulans dormire; neque ullum
Iam timeo Alcidem, Lysius arma colens.

« Je veille, tout en faisant semblant de dormir pour un temps;
et je ne crains plus aucun Alcide, moi Lysius qui fourbis mes armes. »

En d’autres termes : comme Lysius, en armes, je ne crains plus aucun Alcide.

Lysius apparaît à plusieurs reprises dans les Lusíadas (I, 39; III, 21; VIII, 2) : il est le fils et/ou le compagnon de Bacchus qui, selon Camões, s’est installé au Portugal. Les érudits de la Renaissance ont associé ce nom à Lusitânia. Pline parle également d’un fils de Bacchus appelé Lysias ou Lysa.

Alcide est l’un des noms d’Hercule, descendant de Zeus et d’Alcmène. Les souverains espagnols se sont présentés comme les descendants d’Hercule : cet ancêtre mythique explique, par exemple, la série de toiles de Zurbarán sur les travaux d’Hercule dans le Salon de Reinos, créé par Velázquez en 1635.

Donc, par crainte d’Alcides, c’est-à-dire, de l’invasion espagnole, Lysius s’est identifié au dragon de la maison Bragance, veilleur sans sommeil, défendant l’arbre terrestre.

Couché au pied de l’arbre central, comme un anneau protecteur, le dragon ressemble vaguement à un ouroboros. L’arbre est en plein essor avec son feuillage et ses fruits. À droite, en arrière-plan, un autre arbre replié et sec s’élève : il suggère la lignée interrompue de Manuel ou la mort symbolique de la lignée Filipes en terres portugaises. La vraie greffe prospère sur le nouvel arbre. Le paysage des terres fertiles nous rappelle que le corps du roi est le corps de la terre. Dans l’univers traditionnel, la santé du roi est la santé de la terre et des produits de la terre. Un mauvais roi, ou un roi non légitime, cause la stérilité de la terre. En revanche, la continuité du sang royal permet de comprendre la phrase « Le roi est mort, vive le roi ».

L’opposition entre Alcides et Lísio présente dans le texte latin réapparaît dans l’opposition des arbres secs et vivants. (Voyez surtout l’importance de l’archétype de l’arbre sur cette image). Cet arbre a eu son sommet coupé, symbole des pertes subies et à subir pendant la guerre avec l’Espagne mais le tronc reste solide et vert.

Il s’agit d’un arbre cosmique et vivant, véritable axis du royaume du Portugal dont le dragon est le gardien.
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Antonio de Sousa de Macedo, Lusitania Liberata, livre III, 1645, page 542. Conservé à la Biblioteca National de Portugal.

Lilian Pestre De Almeida (Universidade Independente, Lisboa). A Lusitania Liberata ou A Restauração Portuguesa Em Imagens, Talia Dixit 6, 2011, pp. 85-119 (Revista Interdisciplinar de Retórica e Historiografía).

Je tiens à remercier Guillaume Flamerie de Lachapelle – Maître de conférences de langue et littérature latines à l’Université de Bordeaux – une aide plus que précieuse pour la traduction du latin.

L’arbre d’Amor

Note : je choisis de qualifier cet arbre avec son orthographe latine, afin de le différencier de « l’arbre d’amour » populaire au XIXe siècle [1].

Le Breviari d’Amor, bréviaire d’Amour de Matfre Ermengau, juriste et troubadour bitterois du XIIIe siècle, développe une série de chapitres qui décrivent un arbre symbolique, « l’arbre d’amour ».

Monument de la littérature didactique occitane qui constitue une œuvre unique au sein des encyclopédies du Moyen Âge. Composé en Languedoc entre 1288 et 1292 environ, dans le contexte de l’après-Croisade contre les Albigeois et la disparition de la lyrique des troubadours, Matfre Ermengau tente avec ce poème encyclopédique de 34.597 vers de concilier deux conceptions opposées de l’amour : celle des clercs, l’amour de Dieu, et celle de la fin’amor des troubadours, l’amour des amants et des Dames.

Le breviari d'amor-Manuscrito-BnE

Le poète se sert de la structure arborescente pour établir la généalogie des quatre parts d’amour présentes dans la Création de Dieu, commencement et fin de toutes choses, sont nées deux catégories de droit, le droit de nature et le droit des gens. Chacun a deux filles. Droit de nature engendre les deux parts d’amour que toutes les espèces vivantes connaissent : l’amour du mâle et de la femelle, et l’amour de son enfant. Droit des gens engendre les deux parts d’amour que ne connaissent que les créatures douées d’entendement : l’amour des biens temporels et l’amour de Dieu et du prochain. Seule cette dernière part est dite « spirituelle », les trois autres ne sont que « temporelles ». Lire la suite

L’arbre des batailles

Honorât Bovet ou Bouvet (1345/1350-1410), est issu d’une famille provençale de la vicomte de Valernes près de Sisteron. Un titre de docteur en décret de l’université d’Avignon vint couronner en 1386 ses études de droit. Avant 1368, il fit profession monastique, mais malgré son état de religieux qui aurait pu l’inciter à mener une vie contemplative, il fut animé d’une volonté d’agir sur le monde qui l’entourait, par ses œuvres mais aussi par son action concrète dans les sphères politique et religieuse.

Son œuvre maîtresse, L’Arbre des batailles, se présente comme une vaste réflexion sur la guerre organisée en quatre parties : dans la première, Bovet propose une nouvelle interprétation des visions de saint Jean appuyée sur des exemples historiques liés à la guerre ; dans la deuxième, il livre une histoire abrégée des quatre empires antiques, en insistant  surtout sur les guerres opposant Rome et Carthage ; les deux autres parties étant consacrées aux implications juridiques de la guerre, il y soulève des cas juridiques liés aux pratiques guerrières et aux duels.

Il s’agit donc d’une œuvre originale n’entrant dans aucun genre déterminé, empruntant à la fois à l’exégèse, à l’histoire et au droit, mais qui n’est pas sans rappeler L’Arbre de ciència de Raymond Lull [1] et surtout le Breviari d’amor de Matfre Ermengaut [2]. Bovet illustre son prologue par une enluminure représentant un Arbre des batailles dont les branches sont occupées par des hommes, papes, rois, princes et simples sujets, qui se font la guerre.

(Extrait de l’introduction de la thèse soutenue en 2000 à la Sorbonne par Hélène Biu, La traduction occitane de L’Arbre des batailles d’Honorât Bovet)

Royal 20 C.VIII, f.2v

Honorât Bovet, L’Arbre des batailles, Manuscrit BL Royal 20 C VIII, folio 2v. 1er quart du 15e siècle – avant 1416. France (Avignon),  Conservé au British Museum.

Chantilly - Bibliothèque et archives du musée Condé - 0346 (1561)

Honorât Bovet, Manuscrit ms 0346 (1561), folio 010v. Arbre des batailles, 1450-1474, Belgique. Conservé à la Bibliothèque du Château de Chantilly.

Les arbres du Béryl Bleu

« Au Tibet, le XVIIe siècle est dominé par la personnalité étonnante du cinquième Dalaï Lama (1617-1642) ; il était assisté par un régent et le dernier qu’il se choisit fut le Régent Sangyé Gyatso. Fins politiques, ces deux personnages étaient aussi des érudits, ce qui explique leur intérêt pour la médecine. C’est à la demande du Dalaï Lama que le Régent révisa, pour en établir la leçon correcte, le texte fondamental de la médecine tibétaine – le Gyushi – considéré comme un texte révélé redécouvert au XIe siècle, ouvrage en quatre parties d’où son nom : Les Quatre traités (rGyud bzhi, souvent traduit, Les Quatre Tantras Médicaux).
Parallèlement, le Régent composa un ouvrage original qui, formellement, se présentait comme un commentaire au Quatre Traités mais qui, de fait, exposait sa synthèse personnelle des différentes écoles médicales et qui est largement connu sous son titre « ornemental », Le Béryl Bleu. Ce texte, clair et précis, devint l’ouvrage de référence pour toute la science médicale ultérieure, dans l’aire tibétaine. »

L’ensemble de thangkas illustrant Le Béryl Bleu, contient trois grandes compositions qui présentent – de manière synthétique et sous la forme métaphorique d’arbres feuillus (sdong-‘grems) – toute la science médicale.

L’arbre des physiologies et des pathologies

The Root of Physiology and Pathology-3

L’arbre des diagnostiques

The Root of Diagnosis 5

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L’arbre des connaissances

« Selon l’Explication détaillée du Système des Connaissances Humaines dans le Discours préliminaire des Éditeurs de l’Encyclopédie publiée par M. Diderot et M. d’Alembert, À Paris en 1751. Réduit en cette forme pour découvrir la connaissance Humaine d’un coup d’œil. »

Ce frontispice a été publié sous forme dépliante dans : Table analytique et raisonnée des matières contenues dans les XXXIII volumes in-folio du Dictionnaire des sciences, des arts et des métiers, et dans son supplément, Pierre Mouchon, (volume 1, Paris, Panckoucke, 1780.), 985 x 635 mm., gravé par Robert Benard.

L’illustration provient de la bibliothèque de l’Université de Chicago – Special Collections, Rare Books Call No.: fAE25.E57. (Description: 2 v. fold. plates. 39 cm. Notes: Binder’s title: Table de l’Encyclop. by Pierre Mouchon)

L’arbre des langues

Alors qu’une visualisation globale peut rendre toutes les langues du monde disparates, cet arbre généalogique linguistique montre comment elles ont grandi à partir d’une racine commune. Il explique également comment les langues peuvent évoluer et se diversifier au fil du temps.

Cet arbre linguistique comprend de nombreuses langues qui peuvent être considérées en danger aujourd’hui, comme le catalan ou le gallois. Cependant, avec la mondialisation, quelques tendances linguistiques apparaissent.

  • La renaissance des langues

Certaines enclaves de langues marginalisées sont préservées par fierté pour les histoires traditionnelles et culturelles qui y sont attachées.

Alors que le catalan était autrefois interdit [1], sa renaissance est un marqueur clé de l’identité à Barcelone. Plus de 150 universités enseignent le catalan dans le monde. Dans le cas du gallois, un projet universitaire [2] gigantesque prévoit de s’assurer qu’il ne s’éteindra pas. Les chercheurs compilent dix millions de mots gallois pour préserver le passé, le présent et l’avenir de la langue.

  • Prévisions linguistiques

À ce stade, l’anglais est la lingua franca – adoptée comme langue commune parmi les locuteurs de langues maternelles différentes. Cependant, ce statut pourrait bientôt devenir plus flou à mesure que les tendances démographiques se poursuivent.

La montée en puissance de la Chine est une évidence à considérer. Alors que la Chine continue d’accroître sa puissance et son influence économique, ses langues vont également proliférer.

Dans le même temps, 26 pays africains devraient doubler leur taille actuelle [3], dont beaucoup parlent le français comme première langue. Une étude [4] de la banque d’investissement Natixis suggère que la croissance de l’Afrique pourrait bien mettre le français au premier plan – ce qui en fera la langue la plus parlée d’ici 2050.
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Les données sont issues d’un article d’Iman Ghosh « All the World Languages in One Visualization » publié le 5 juillet 2019 sur le site Visual Capitalist.

L’illustration a été réalisée par Minna Sundberg, faites donc un tour sur son site et régalez-vous avec ce comic post apocalyptique « Stand Still. Stay Silent », de belles illustrations pour un récit futuriste contenant des éléments de mythologie nordique. Commencé en 2013 avec une nouvelle page mise en ligne chaque lundi, mardi, jeudi et vendredi.