Bon nombre d’arbres séculaires n’ont pas encore été présentés sur le blog, mais petit à petit le réseau des reporters s’étend et couvre de plus en plus de territoires. Suivons encore une fois Damien en Normandie [1] à la rencontre d’un phénomène : l’aubépine de Bouquetot, un arbre séculaire dont la renommée a largement dépassé les frontières de l’Eure.
Peu de données concernant cette aubépine si ce n’est quelques lignes de-ci de-là dans les livres, je m’appuierai donc sur les données fournies par Henri Gadeau de Kerville en 1891, ainsi que sur la fiche d’inventaire du patrimoine culturel de Bouquetot réalisée par Yann Leborgne [2]. Enfin, sachant l’aubépine protégée par une enceinte Damien n’avait pas pris de quoi la mesurer, mais des courriers ont été envoyés à différentes associations locales…
L’aubépine de Bouquetot, autrement appelée « La Belle Epine », est une aubépine blanche commune, régulièrement taillée en bol depuis le milieu du XIXème siècle, dont l’âge fut estimé il y a environ 120 ans par le naturaliste Henri Gadeau de Kerville qui lui attribuait plus de 500 ans. La « Belle-Épine » aurait donc aujourd’hui entre 600 et 700 ans, ce qui coïncide avec la date de plantation « vers 1360 » que lui attribue la tradition.
Selon la même tradition, la plantation de cette aubépine au début du règne du Charles V aurait procédé d’une célébration du rattachement de la Normandie à la France. Quoiqu’il en soit de la véracité historique de ce récit, il faut surtout retenir qu’il institue la Belle Epine comme un arbre de mémoire dont la naissance en tant qu’acte politique exprime des appartenances territoriales : elle resitue la localité de Bouquetot dans l’ensemble Normand, et cet ensemble Normand au sein de la France. La présence de cette aubépine est donc censée agir auprès des Hommes comme un rappel de territorialités.
Une telle interprétation de la légende de plantation de cet arbre est parfaitement compatible avec l’information livrée par Henri Gadeau de Kerville selon laquelle la pratique était autrefois répandue dans la campagne Normande de faire pousser des pieds d’aubépines pour délimiter des parcelles rurales. Usant de leur longévité, les propriétaires en plantaient aux angles de leur terrain afin de borner l’espace et s’assurer ainsi la pérennité d’une appartenance. Un tel rapport à l’aubépine pourrait expliquer pourquoi celle de Bouquetot est encore présentée de nos jours comme un « symbole de virginité » ; il y aurait peut-être derrière ce symbolisme une signification d’inviolabilité du territoire.
Mesures de mai 1891 : 2,21m de circonférence à 1m, hauteur totale de 3,78m.