Couple de ginkgos de l’université Sungkyunkwan, Séoul (Corée du Sud)

서울 종로구 성균관대학교 은행나무

L’Université Sungkyungkwan (appelée aussi SKKU) est une université privée située à Séoul en Corée du Sud. Elle est considérée comme l’une des meilleures de tout le pays.

Son nom, qui signifie “institution pour construire une société harmonieuse”, rappelle les origines historiques de l’université qui fut créée en 1398 à la fin de l’ère Koryŏ pour promouvoir les valeurs confucéennes. Son emblème est une feuille de ginkgo biloba.

C’est en cherchant à en apprendre plus sur la symbolique du ginkgo que je suis tombé sur ce dessin, et en fouillant un peu plus j’ai découvert que cette vieille université abritait en son sein deux ginkgos vieux de 500 ans, mais impossible de trouver des photos… Du coup, j’ai pris contact avec l’université afin d’en apprendre plus sur leur histoire, mais aussi avec un blogueur azerbaïdjanais étudiant de cette prestigieuse institution. (clic les photos)

sungyunkwan1.jpg

A l’origine, l’université se nommait Seonggyungwan, il s’agissait alors d’une institution d’enseignement supérieur et de la recherche du confucianisme sous la dynastie Joseon pendant plus de 500 ans. L’université ne prit sa forme moderne qu’à la libération du pays en 1945, après 35 années de colonisation japonaise.

Plantés en 1519 pendant la 14è année de règne du roi Jungjong, par Yun-Tak, un confucianiste et ancien président de la vieille Sungkyunkwan ; ces deux ginkgos détiennent donc une signification symbolique, car dans le confucianisme Confucius aurait aimé lire, réfléchir, et enseigner à ses disciples sous un Ginkgo. Ces arbres représentent aussi la longévité et l’illumination, et sont un lieu important dans la culture coréenne.

Le ginkgo situé à l’Ouest mesure 21 mètres de hauteur, pour 7,30 m de circonférence.

Le ginkgo à l’Est  fait environ 26m de haut pour 12 mètres de circonférence [1]. Déja endommagé en 1592, son tronc a été divisé en sept branches au cours de la guerre de Corée, mais chaque branche a progressé épaisse comme le tronc principal. Habituellement ce sont des ginkgos femelles qui sont inscrits comme monument naturel en Corée [2], mais il s’agit ici de deux individus mâles. On peut également observer des excroissances qui pendent comme des stalactites, des chi-chi de 60 cm de long, preuve de son âge avancé.

« K. Fujii décrit des formations monstrueuses sur les troncs de vieux Ginkgos ; elles sont appelées au Japon chichi. A la partie inférieure d’une grande branche pousse un corps cylindrique conique qui peut atteindre dans certains cas 2,2 m de longueur et 30 cm de diamètre. Ce corps ne possède pas de feuilles, mais peut prendre racine et produire alors des feuilles. Son anatomie montre des anneaux annuels, et les trachéides y sont sinueuses. D’après Fujii, c’est une protubérance pathologique de la tige, et elle peut prendre la place d’un rameau court ou d’un ou plusieurs bourgeons adventifs. Elle est probablement due à une circulation défectueuse en général et plus particulièrement à une augmentation locale de nourriture. C’est peut-être pour cela qu’on en trouve autour des greffes ; il paraît que les parties souterraines et les racines en produisent aussi. » (Andreas Sprecher)

« Le genre Ginkgo regroupe des arbres qui ont peu changé depuis la base du Crétacé ; il comptait alors plusieurs espèces distinctes, répandues dans les régions tempérées. La seule espèce survivante, Ginkgo biloba, à laquelle l’appellation de fossile vivant convient particulièrement bien, est originaire de Chine du Sud, où un peuplement naturel de 244 arbres a été étudié par Peter del Tredici dans la province de Zhejiang, au Sud de Shanghai. Les très vieux Ginkgos, dit-il, ont des lignotubers : mon ami Peter me pardonnera d’être en désaccord avec lui sur ce point mais je considère que les vieux Ginkgos ont une plaque basale. Quelques différences, on va le voir, incitent à ne pas confondre les deux choses. »
« Dans un lignotuber, chez un Eucalyptus par exemple, le renflement des premiers bourgeons de la plantule s’étend à toute la base de l’arbre pour donner un organe de résistance aux feux. Par ailleurs, ces bourgeons tubérisés sont exclusivement situés au niveau du sol. »
« Les bourgeons axillaires des cotylédons d’un jeune Ginkgo se développent en stolons tubérisés sans que leur renflement se généralise à toute la base du tronc. Ces stolons ont une forme étrange qui leur a valu en Chine le nom de zhong ru (stalactite) et au Japon celui de chichi (mamelle) ; je leur trouve une certaine ressemblance avec de vieilles chaussettes terreuses mises à sécher sur un fil à linge. Rigides, ils poussent vers le bas et, nullement cantonnés aux aisselles des cotylédons, ils apparaissent aussi sous la base des branches où ils atteignent de grandes dimensions — plus de 1 mètre — dans le cas du Ginkgo de Zempukuji à Tokyo. Un chichi qui n’a pas encore atteint le sol est capable d’émettre un jeune Ginkgo, en tous points semblable à une plantule, mais ce cas semble assez rare ; beaucoup plus fréquemment, des chichis ayant atteint le sol s’y sont ramifiés, émettant à la fois des racines vers le bas et des tiges feuillées vers le haut. »
« Le chichi est un organe ambigu dont la véritable nature est difficile à établir. Son allure générale et sa croissance vers le sol évoquent plutôt une racine, mais les anatomistes, Fuji, Li et Lin, y voient une tige atypique, dépourvue de feuilles et couverte de bourgeons dormants ; le cambium y édifie des cernes annuels. Peter del Tredici note qu’en Chine, depuis le XIIe siècle au moins, on utilise les chichis pour la multiplication végétative : coupé et planté dans le sol avec la pointe en haut, le chichi est capable de s’enraciner et de donner des tiges feuillées. »
(Francis Hallé, Plaidoyer pour l’arbre, p.48.)

Javanshir m’a envoyé une multitude de clichés de ces deux arbres, régalez-vous !

Les Ginkgos ont été largement plantés autour des temples et des sanctuaires ancestraux, et ornent également les plus beaux paysages de Corée. Parmi les arbres du pays inscrits comme monument naturel, les Ginkgos sont les plus nombreux après le Zelkova (orme asiatique).

Merci à Chul-Yeon CHO de l’université Sungkyunkwan qui a réuni pour moi toutes les données qu’elle possédait sur ces deux ginkgos, une longue histoire qui se confond avec celle de l’université, deux arbres symboles qui en rappellent les valeurs confucéennes. Et bravo aux générations de jardiniers qui se sont succédés pour entretenir ces arbres, on peut se rendre compte sur les photos de la qualité des soins apportés à ces deux ancêtres.

Pour en apprendre plus sur cette université de pointe, visitez leur site, par ici.

Merci également à Javanshir Safarov, étudiant azerbaidjanais expatrié à Séoul qui, malgré le rythme frénétique de ses études et de ses examens (et la pluie !), a pris le temps de réaliser cette superbe série de photos nous présentant ces deux patriarches coréens.

Javanshir écrit un blog pour aider les étudiants étrangers à la SKKU, à voir par ici.
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Continuez la balade en Corée et découvrez une vingtaine de très vieux arbres, par ici.

12 réflexions sur “Couple de ginkgos de l’université Sungkyunkwan, Séoul (Corée du Sud)

  1. Sisley

    Intrigant ce duo de choc !

    Tu as du aller chercher dans les confins du réseau pour nous dénicher ces deux spécimens.
    Comme c’est énoncé dans la description, je crois qu’il y a eut après 45, des redémarrage de rejet de souche suite aux dommages subis.
    Car il me semble bizarre, que la majorité des gros troncs restants puissent avoir le demi millénaire.

    Un belle découverte !
    ………………….
    Et un peu plus loin dans le bois, quelques éléments d’infos trouvés au début du millénaire :

    http://cuisinejapon.chez.com/symbiose.htm

  2. Salut Sisley,

    ça a mis le temps, mais j’ai fini par rassembler suffisamment d’infos pour les présenter, ça m’éclate de motiver des reporters à l’autre bout du monde ! Ça a été une chouette rencontre avec Javanshir, et comme il est d’Azerbaïdjan, et qu’il voyage, il y aura peut-être d’autres reportages dans le futur…

    Ces ginkgos ont apparemment lourdement subit les combats à la fin de la guerre, mais ils ont l’air d’avoir surmonte les préjudices avec vigueur (on peut même distinguer des rejets récents), ces deux doyens de l’université semblent partis pour vivre encore de nombreuses années.

    En robe automnale : http://dicimg.naver.com/100/800/40/235840.jpg
    Un cliché avec 2 personnes devant : http://cfs4.tistory.com/upload_control/download.blog?fhandle=YmxvZzE1OTQ3M0BmczQudGlzdG9yeS5jb206L2F0dGFjaC8xLzE1MDAwMDAwMDE1NC5KUEc%3D

    Une petite vidéo qui les présente (en coréen) à voir ici.

    C’est chouette de pouvoir présenter des individus ayant le demi-millénaire, chez nous les plus vieux n’ont guère plus de deux siècles ; dire qu’en Corée, au Japon, mais aussi en Chine, il y existe des Ginkgos ayant largement dépassé le millénaire… ça me plairait de les découvrir…
    Photo 1Photo 2photo 3photo 4

    Merci pour le lien vers l’algue coccomyxa, étonnant cette symbiose…

    La feuille de cet arbre,
    Qu’à mon jardin confia l’Orient
    Laisse entrevoir son sens secret
    Au sage qui sait s’en saisir.

    Serait-ce là un être unique
    Qui de lui-même s’est déchiré ?
    Ou bien deux qui se sont choisis
    Et qui ne veulent être qu’un ?

    Répondant à cette question
    J’ai percé le sens de l’énigme
    Ne sens-tu pas d’après mon chant
    Que je suis un et pourtant deux ?

    Goethe (1749-1832), Ginkgo biloba

  3. Un peu de frustration…

    il m’a fallu beaucoup de temps et de persévérance pour tout réunir sur ces ginkgos, c’est bien plus compliqué que d’obtenir des photos d’un arbre en Normandie… C’est souvent une véritable investigation pour retrouver un vieil arbre dans des pays non francophones, si éloignés de nous.

    Alors imaginez comme il n’est pas facile de trouver des correspondants à l’autre bout du monde habitants prés d’un arbre ; puis de réussir à les motiver pour m’aider bénévolement dans cette quête – d’ailleurs bien souvent les correspondants ne sont pas forcément branchés arbres….

    Et pourtant les commentaires ne se bousculent pas, dommage.

  4. Sisley

    Non !
    Peut-être que les ‘chi-chi’ n’inspirent pas (lol).
    J’ai déjà remarqué, que certains articles font choux blancs, alors que d’autres amènent quand même quelques commentaires.
    ………..

    N’empêche, j’ai jamais vu ce type d’excroissance sur des individus en France.
    Peut-être qu’ils ne sont pas assez vieux,…

  5. Si… en grève !

    N’empêche qu’il y a plus de 1200 visiteurs par jour,
    et le seul commentaire posté depuis dimanche est le tien…

    Ça me plairait de savoir si les articles sont intéressants, sinon je continuerai comme avant le blog : je ne ferai des recherche que pour moi, et j’arrêterai de tout mettre en ligne gratuitement pour la communauté…

    les mots laissés par les lecteurs sont mon unique récompense…

  6. MA NI FESTATION !

    LOL!!

    Je te comprends bien, de mon côté, je ne cours pas après les commentaires, mais quand j’en ai sur mon blog, de temps en temps, ça fait bien plaisir. Le dernier en date était d’ailleurs une belle surprise !
    Pour ma part, j’ai un peu réduit le nombre de mes interventions chez toi car j’avais l’impression qu’avec Sisley, on faisait un peu une conversation à trois qui pouvait peut-être empêcher les autres de s’exprimer (?)
    Mais c’est sûr que ton boulot pour un tel article est énorme, peut-être que les lecteurs ne se rendent pas bien compte. J’en ai justement parlé à une amie ce WE à qui j’ai fait découvrir ton blog et j’ai pris cet article en exemple.

    Continue, va : ne te lasse pas et fais toi avant tout plaisir. Les commentaires sont la cerise sur le gâteau.

    Et vous lecteurs : CO MMEN TEZ !!!!! 🙂

  7. Salut Gilles,

    merci d’avoir laissé tes mots, avec tant de boulot fourni et tant de visiteurs, j’espérais lire un peu plus de commentaires pour ces ginkgos…

    et puis j’aime bien les cerises…

  8. Salut Gaël,

    bien content que tu aies aimé découvrir ces deux ginkgos,
    dire que ces deux doyens ont surmonté 2 guerres en 500 ans !
    ce qui prouve encore une fois, l’exceptionnelle régénération de l’espèce.

    Un cliché en feuilles :

    à plus

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