Chêne sacré, Lettonie

Cette illustration présente une scène de culte rendu aux divinités païennes chez les Latgaliens, une tribu de la Baltique orientale dont l’origine est peu connue. Par la suite, ce groupe ethnique s’alliera avec les Coures, les Séloniens et les Sémigaliens pour former la Lettonie.

Les Latgaliens ont embrassé tardivement le christianisme (au XIe siècle), et cependant ils ont continué à pratiquer leurs anciennes coutumes païennes que l’on retrouvait encore chez leurs descendants au XIXe siècle (comme la vénération des chênes sacrés).

MDZ - Die Vorzeit Lieflands Ein Denkmahl des Pfaffen- und Rittergeistes - Merkel

Garlieb Helwig Merkel, Die Vorzeit Lieflands : Ein Denkmahl des Pfaffen- und Rittergeistes. Berlin, 1798, page 154. Manuscrit conservé à la bibliothèque digitale de Munich, Münchener Digitalisierungzentrum (MDZ).
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Une illustration qui rappelle fortement la description du Chêne de Romuva.

Le chêne de Romuva

Romuva était un prétendu lieu de culte païen (un temple ou une zone sacrée) dans la partie occidentale de la Sambie, une des régions de la Prusse païenne.

Il existe des doutes considérables sur l’existence d’un tel lieu. Le temple n’est mentionné qu’une seule fois, par Peter von Dusburg en 1326. Selon son récit, Kriwe-Kriwajto, le grand prêtre ou «pape païen», vivait à Romuva et régnait sur la religion de tous les Baltes. Il décrit le Kriwe comme un prêtre puissant tenu en haute estime par les Prussiens, les Lituaniens et les Baltes de Livonie. Il gardait la flamme sacrée et pouvait se pencher sur le destin des fidèles décédés. Il recevait un tiers de tout butin pris par les guerriers païens.

Ce premier récit a été amélioré par Simon Grunau au 16ème siècle. Il a décrit un feu sacré éternel, un chêne éternellement vert avec des idoles représentant une «trinité» païenne : Patrimpas (dieu du printemps), Perkūnas (dieu du tonnerre) et Patulas (dieu de la mort et des enfers). L’endroit était gardé par des prêtres et des vestales. Les images sont apparues sur la base de cette description et sont devenues très populaires auprès des historiens romantiques.

Si le Kriwe était une personne aussi influente, il aurait été mentionné dans certains comptes rendus politiques de la région. L’emplacement supposé n’a jamais été trouvé ni par les chevaliers teutoniques, qui contrôlaient l’ensemble de la Nadruvia, ni par des archéologues modernes. Certains détails dans les descriptions présentent des similitudes avec d’autres sources. Par exemple, le Traité de Christburg interdit aux Prussiens convertis d’avoir des Tulissones vel Ligaschones lors des funérailles pour voir dans le voyage de l’âme du défunt. Un autre document des chevaliers teutoniques parle de la blûtekirl qui a recueilli un tiers du butin des guerriers samogitiens comme offrande aux dieux.
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Christoph Hartknoch. « Alt- und Neues Preussen Oder Preussischer Historien Zwey Theile In derer erstem von deß Landes vorjähriger Gelegenheit und Nahmen, wie auch der Völcker, so darinnen vor dem Teutschen Orden gewohnet, Uhrankunfft, Lebens-Beschaffenheit, Sprache, Religion … und andere Sitten und Gewohnheiten: In dem andern aber von deß Teutschen Ordens Ursprung, desselben, wie auch der nachfolgenden Herrschafft vornehmsten Thaten und Kriegen, Erbauung der Städte, der itzigen Innwohner Uhrsprung, Religion … gehandelt wird. Auß vielen alten so wol als neuen, einheimischen als außwertigen Scribenten, Privilegien und andern Documenten … Mit sonderbahrem Fleiß zusammen getragen. »
Franckfurt ; Leipzig ; Königsberg 1684. Manuscrit conservé à la MDZ (Münchener DigitalisierungsZentrum).

Le Noyer de Benevento

Le Noyer de Bénévento était un très vieux noyer – dit toujours vert – consacré au dieu germanique Odin, autour duquel une communauté de Lombards s’est réunie à partir du VIe siècle, dans les territoires habités par les Samnites. La célébration des rites païens et religieux, qui prévoyait la suspension d’une peau de chèvre ou de serpent sur l’arbre, a donné lieu à diverses légendes qui se sont perpétuées au cours des siècles, concernant les cérémonies et les rituels magiques pratiqués par les sorcières à l’occasion du sabbat.

Il Noce di Benevento, Giuseppe Pietro Bagetti, (1764-1831), collection privée.

« Dans l’Antiquité préhellénique, le Noyer semble avoir été consacré à une divinité mystérieuse de la Mort, nommée Kar ou Ker dont hérita chez les Grecs Coré, « la jeune fille », enlevée par Hadès et devenue déesse des Enfers sous le nom de Perséphone (Proserpine en latin). Ce nom est lui-même préhellénique et désignait une ancienne divinité de la Mort, identifiée par la suite avec la fille de Déméter. Toujours est-il que le Noyer était voué aux divinités infernales et l’est depuis lors resté. C’est en tant qu’arbre maudit qu’il figure dans les folklores, surtout en Italie, où les sorcières se rassemblaient la nuit du Sabbat sous les Noyers.
Celui de Benevent fut bien connu pendant des siècles comme le lieu de rendez-vous des magiciennes de la région, qui se baignaient dans la rivière proche, appelée justement Sabato. Ce noyer qui disparut au XVIIe siècle passait pour très vieux, puisqu’au VIIe siècle, sous le règne de Constant II, l’évêque Barbatus, patron de la ville qui était retombée dans des pratiques païennes, l’avait fait arracher jusqu’au racines, exorcisant le diable alors apparu. Nous avons là un nouvel épisode de la lutte du clergé contre le culte des arbres. Mais ce noyer devait être particulièrement résistant, car, sans doute après la mort de l’évêque « barbu » un autre noyer apparut à la même place « tout aussi élevé, tout aussi vert » et reprirent les réunions démoniaques. »

Jacques Brosse, Dictionnaire des arbres de France, Mythes et légendes, p.127. Lire la suite

Chêne sacré, Palestine

« Le site de Laish, renommé plus tard Tel Dan, constitue l’ancienne limite septentrionale de la Terre Sainte. »

« À la source la plus occidentale du Jourdain, cet endroit est maintenant connu sous le nom de Tell el Kady (la colline des Juges), et il y a un chêne sacré auquel sont accrochés des offrandes votives, sur une tombe dédiée à Sheikh Merzûk. »

Charles Wilson, Picturesque Palestine : Sinai and Egypt, 1881, p. 343.

« Le makam est la place d’un saint. Il est de préférence sur une colline, mais peut être simplement une tombe d’un saint dans une enceinte grossière sous les cieux ouverts, ou la tombe peut être un petit bâtiment, généralement avec un dôme, appelé un kubbeh. Une telle tombe peut être dans une ville ou un village, ou même sur un terrain bas, comme le makam d’Abu Zenimeh, de la péninsule Sinaïtique, qui est une hutte frêle au bord de la mer Rouge. »

« Il ne fait aucun doute que les bosquets sacrés et les arbres sacrés ont essentiellement les mêmes caractères que ceux mentionnés dans l’Ancien Testament, et qu’ils existent à peu près au même endroit qu’avant, partout où les arbres peuvent pousser ; au moins un arbre pousse près d’un makam. Il existe un tel arbre à Tell el-Kadi sur la tombe d’un weli. »

« Le seul arbre que j’ai vu dans un trajet de neuf heures entre Beersheba et Gaza était un arbre sacré. Les arbres eux-mêmes, comme nous l’avons observé, sont parfois l’objet d’un culte. Bien que le nom de Baal ait péri en rapport avec ces lieux, leur culte est encore observé. »

Samuel Ives Curtis, Primitive Semitic Religion Today : a record of researches, discoveries and studies in Syria, Palestine and the Sinaitic Peninsula, 1902, p. 143.

L’arbre sacré de Fatima, île de Rodah, Égypte

« It is to the Nilometer that the island of Roda owes its fame and there is a little else that the visitor will find north seeing beyond plantations, houses and the modest tomb of a sheykh, unless we mention a venerable Mandoorah-tree with spreading branches, called by the Arabs Hakeem-Kebeer the Great Physician to wich they make pilgrimages in order to be cured of fevers and other disorders. »

« The devoted kneel down at its roots, and it boughs are thickly hung with fragments of clothes of every descriptions, the voting-offering of the sick and thank-offering of the convalesent. « 

« A legend has been preserved which says that this tree was planted by Fatima the daughter of the Prophet, but I could not trace its origin. »

Georg Moritz Ebers – Egypt Descriptive, Historial and Picturest, 1885, vol. 1, pp. 199-201.

« C’est au Nilomètre que l’île de Rodah doit sa renommée et il y a un peu plus que le visiteur trouvera au nord au-delà des plantations, des maisons et du modeste tombeau d’un sheykh, un vénérable arbre Mandoorah aux branches étalées , appelé par les Arabes Hakeem-Kebeer le Grand Médecin à qui ils font des pèlerinages pour être guéris de fièvres et d’autres désordres. »

« Les dévoués s’agenouillent à ses racines, et les branches sont abondamment piquées de fragments de vêtements de toutes sortes, d’offrandes des malades et de remerciement des convalescents. »

« Une légende qui a été conservée dit que cet arbre a été planté par Fatima, la fille du Prophète, mais je n’ai pu en retracer l’origine. »

Culte des arbres – Éthiopie

Culte des arbres Ethiopie

Le peintre a représenté une scène de culte aux esprits des arbres nommée adbar et pratiquée, ici, par des chrétiens orthodoxes. Une femme oint de beurre un arbre pendant qu’un homme verse à son pied le sang d’une chèvre sacrifiée pour l’occasion. Une grande tablette pour le café est disposée au pied de l’arbre, révélant la dimension sociale et domestique de ce culte aux esprits de protection puisque le café est au centre de nombreuses interactions. Tout autour, on s’affaire à préparer un banquet et à le déguster : viande, bière, café, galettes de blé, fèves bouillies (nefro) sont au menu.

Exposition « Étonnante Éthiopie ». La peinture éthiopienne de style traditionnel ou « bahelawi ».

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Jardin d’Église en Ethiopie centrale – Les arbres-tombes

Tandis que certains membres de la communauté ont opté pour la tombe en pierre d’autres ont choisi de perpétuer la coutume qui consiste à recueillir un jeune plant d’olivier ou de genévrier dans une forêt voisine pour le transplanter à l’endroit des corps ensevelis. Les pierres qui dessinent la forme elliptique des tombes protègent les jeunes plants. La pratique est à l’origine des grands genévriers et oliviers que l’on observe actuellement. On les appelle màqaber zaf, « arbre-tombe » ou hawelt, « statue » ou « stèle funéraire ». La plupart sont la mémoire de notables de la paroisse morts pendant les guerres qui opposèrent l’empereur Téwodros à Haylâ Mâlâqot, fils du roi Sahlâ Sellasé. D’autres plus anciens remonteraient à l’époque où l’église siégeait en contrebas.

Ces grands arbres protègent le bâtiment des vents violents. Investis de l’esprit de Saint Mikaél et de Dieu, ils représentent aussi une protection symbolique contre les esprits malveillants. Leur disposition est loin d’être le fruit du hasard. Les prêtres choisissent l’emplacement des tombes et dictent par cette action l’aménagement de l’ased. Il a ainsi été décidé que les prochaines sépultures seraient installées dans la partie sud du territoire, dénuée d’arbre.

Après les obsèques, à plusieurs reprises et pendant sept ans la famille vient se recueillir sur la tombe et implorer le salut du défunt. Les prêtres qui dirigent les prières et les amis sont invités à se rassembler dans l’un des petits abris en bois construits à cet effet. C’est l’occasion de manger et de boire ensemble et pour la famille de garder en mémoire l’emplacement de la tombe.

Durant ces premières années, les parents en deuil s’occupent de nettoyer l’espace qui leur a été attribué, mais rapidement l’activité revient à une autre personne. Il s’agit du « gardien de l’extérieur », yàweçç zàbànna, portant également le titre de dàbtàra. Ce dernier est en charge de l’entretien de la végétation de la deuxième enceinte de Vased. Le sol retourné lors des inhumations offre une bonne terre, il sera réparti aux pieds de plusieurs jeunes plants. Collecter les branches qui se cassent et couper les arbres morts fait aussi partie des attributions de ce dâbtàra. Le bois collecté alimente Pâtre du monastère situé à proximité, il sert aussi à l’éclairage et aux fumigations.

Au quotidien, les fidèles n’ont pas droit à de tels prélèvements. Après un rituel d’exorcisme, ceux qui pratiquaient des cultes aux esprits malveillants peuvent simplement venir suspendre aux branches des arbres-tombes leurs anciens objets fétiches. L’intervention directe sur la végétation de Yased exige en revanche une certaine élévation spirituelle. C’est dans un état de pureté atteint par le jeûne et la prière, au terme d’un pèlerinage par exemple, que les fidèles sont autorisés à recueillir certains végétaux. Les mousses ou les lichens qui poussent sur les vieux oliviers et genévriers, nommés les « vêtements de l’arbre », yàzaf lebs, sont très recherchés pour des fumigations réalisées dans le cadre de rites de guérison ou de purification.

C’est à certains membres du clergé que l’on doit l’essentiel des prélèvements réalisés dans la deuxième enceinte de Yased. Ils sont prêtres, moines et surtout dâbtàra. Outre les fonctions que ces derniers exercent au sein de l’église, beaucoup d’entre eux sont thérapeutes et pour quelques-uns, l’activité médicale représente la seule source de revenus. Aidés des membres de leur ordre (le gardien de l’église et celui du jardin), ils font de Yased leur réserve de plantes magico-médicinales.

Les prêtres et les dâbtàra trouvent les plantes de leurs préparations magico-médicinales sur les monticules de terres recouvrant les morts. Les végétaux utiles à leur activité doivent provenir de lieux que le profane ignore. Le paroissien croit pour sa part à l’interdiction de consommer ce qui a poussé sur les corps décomposés. Les végétaux des dâbtàra se trouvent ainsi bien protégés.

Du point de vue du thérapeute, chacun des arbres, arbustes et herbacées présents dans cette deuxième enceinte offre un intérêt spécifique qui légitime leur conservation mais aussi la sélection des espèces qui fournissent les produits recherchés. Les plantes croissant sur les tombes ont été semées, plantées ou entretenues quand elles étaient issues de la flore spontanée. Considérant les arbres-tombes, ces derniers peuvent aussi faire l’objet de nombreuses utilisations. Ainsi des fruits du Podocarpus gracilior s’extrait une huile médicinale qui nous a été signalée comme la panacée des maux se rapportant aux oreilles (troubles auditifs, douleurs diverses). L’olivier est l’arbre de l’onction : de son bois, s’extrait une huile sacrée dont seuls quelques moines spécialisés possèdent le secret de la préparation. Elle était jadis employée à la consécration des rois et des empereurs et s’utilise toujours dans l’ordination des religieux. Elle s’employait aussi beaucoup pour l’éclairage des églises lors des offices nocturnes. Enfin, le bois de l’arbre s’utilise en fumigation pour des rituels de purification ou comme offrande adressée aux esprits.

Chouvin Élisabeth. Jardin d’Église en Éthiopie centrale. Journal d’agriculture traditionnelle et de botanique appliquée, 41ᵉ année, bulletin n°2,1999. pp. 110-112.