Le chêne de la ferme de Socquentot, Beauval-en-Caux (Seine-Maritime)

On pourrait croire qu’avec le temps la plupart chênes colosses ont déjà été présentés sur le blog… Mais il n’en est rien ! Suivons à nouveau Sébastien sur ses terres normandes…

« Il y a quelques temps, je suis parti à la recherche d’un vieux chêne, déjà photographié par Henri Gadeau de Kerville en 1892. Il faut bien dire que je ne l’ai pas trouvé du premier coup car je ne m’étais pas assez préparé à sa rencontre. Je ne savais pas exactement où le chercher car ce chêne est connu sous diverses appellations : « Chêne de Belmesnil », « Chêne de Socquentot » ou encore « Chêne de Beauval-en-Caux ». »

« Du coup, pas d’appareil photo ce jour là, dommage car avec la neige le paysage était vraiment sympa ! Au moins j’ai pu rencontrer l’aimable propriétaire qui me présenta son chêne. Je suis d’accord avec lui pour dire que cet arbre est en bien meilleur santé que son homologue d’Allouville-Bellefosse [1]. Pas étonnant car la famille Beaunay en prend soin depuis plusieurs générations. Pour preuve, ce géant est soigneusement clôturé pour le protéger des piétinements. Une poutre étaye la grosse branche depuis des années. Une autre charpentière énorme a disparu et à son emplacement se trouve un écriteau qui rappelle que l’arbre est classé depuis 1934 [2]. »

« Situé au cœur d’un clos-masure cauchois, donc entouré d’arbres, les vents dominants ne présentent plus la même menace. Toute bourrasque éventuelle sera atténuée. De plus, sa forme trapue optimise ses chances de traverser les siècles à venir. »

« L’arbre présente néanmoins une petite cavité qui semble se combler avec les années à tel point qu’on aura bientôt du mal à croire qu’un chien ait pu y faire sa loge autrefois. »

« Comme bien des arbres célèbres, il porte le nom d’une personne. Certains l’appellent « Chêne millénaire de Philippe Villemère » d’autres l’ont nommé « Chêne de Philippe Wemaëre », c’est-à-dire le maire de la commune où se trouve le domaine du vieux chêne [3]. »

« En tous cas, les Beauvalais peuvent être fier de ce trésor, d’ailleurs ce n’est peut-être pas un hasard, si les armes de la commune de Beauval-en-Caux se blasonnent avec un chêne arraché d’or [4]. »

« Finalement ce magnifique chêne colosse répertorié depuis des années reste encore relativement peu connu. C’est incontestablement, l’un des plus beaux chênes Normands. Sa circonférence à 1,30 m atteint 9,60 m. Les cartes postales anciennes semblent prouver que le niveau du sol était auparavant un peu plus bas. C’est pourquoi, ma mesure ne reflète peut être pas complètement la réalité. »

Selon diverses sources, son âge se situerait entre 800 et 1000 ans. Bien que sa vitesse de croissance n’ait pas été très grande depuis 1892, l’estimation de 600 à 700 ans me semble plus réaliste. L’histoire de l’arbre remonte à 1877. Cette année-là, les abbés Bunel et Tougard l’ont fait connaître. Ils le trouvaient magnifique, bien plus vigoureux et sain que celui d’Allouville, tout à fait creux, de surcroît. À l’époque, sa circonférence était de 8 mètres. Gadeau de Kerville donne une description circonstanciée du chêne dans son livre. Sa hauteur était de 15 mètres environ et sa circonférence était de 8,75 mètres à 1 mètre de haut. Il était toujours en excellente santé. Un trou situé dans le bas du tronc avait été utilisé comme niche par un chien et, plus haut, un autre avait été recouvert par une plaque de zinc, pour éviter une infiltration d’eau susceptible d’entraîner une putréfaction. Mesure d’avant-garde, qui a sans nul doute contribué au maintien de la belle apparence de l’arbre. Sur la photo faite par Gadeau de Kerville, on voit bien que la ramure était encore symétrique. L’énorme branche qui s’est cassée par la suite y était encore. C’est sa disparition qui a brisé la symétrie de la ramure.
(Jeroen Pater, Les arbres remarquables d’Europe, p.164.)

Merci pour ce nouveau reportage Sébastien, cela fait tellement longtemps que j’espérais accueillir ce vénérable sur le blog… Il s’agit-là d’un chêne extraordinaire, certes il a perdu de sa superbe au cours du XXè siècle, mais il reste néanmoins un fier gaillard champêtre ! Une circonférence de plus de 9,50 mètres pour environ 17 mètres de hauteur, ce vieux quercus aux formes généreuses est véritablement un arbre d’exception. Magnifique !

Pour reprendre les mots de Kerville : « À tous égards il mérite cependant qu’on se dérange pour aller le contempler. Il est entièrement digne d’être célèbre. »
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Mise à jour avec des clichés hivernaux réalisés par Damien.

Merci l’ami !

16 réflexions sur “Le chêne de la ferme de Socquentot, Beauval-en-Caux (Seine-Maritime)

  1. François Lannes

    Oui, la photo en N&B du début est vraiment fantastique car elle donne idée des proportions gigantesque de cet arbre. Vivement que Sébastien y retourne en hiver, après la chute des feuilles, pour que l’on voie ce que cela donne aujourd’hui.
    Super reportage !

  2. Une fois de plus, un grand merci pour ce beau reportage !!

    Malgré le livre, j’ignorai que ce chêne est aussi volumineux, c’est un vrai plaisir d’admirer de par le blog toute cette série de gros chêne champêtre.

    Cette essence est et sera pour encore bien longtemps une référence dans le monde des arbres d’Europe.

    Je regrette de ne pas en avoir de cette catégorie à vous présenter…
    Mais sait-on jamais…

  3. Damien

    Hé j’ai été le voir un mois avant de devenir « reporter » ce gros chêne fabuleux !
    J’ai des photos hivernales de lui avec ses branches nues
    (Christophe tu les avais vu sur mon facebook en plus !)

    Je serai ravi de les partager ici si elles vous semblent encore digne d’intérêt !
    Elles datent de fin janvier 2011, soit un peu moins d’un an.
    Magnifiques photos de lui bien vert, ça fait du bien au moral 🙂

    Si les photos t’intéressent je peux t’en envoyer par mail pas de souci.

    PS : As-tu reçu mon autre mail, présentant quelques arbres de chez moi, afin de juger s’ils sont dignes de figurer dans la forêt ?

  4. Yanick

    Quel arbre !!!
    Je l’avais bien mis sur mon parcours cet été mais, malheureusement le temps m’a manqué pour lui rendre visite. Aussi quand je vois tes photos Sébastien, je me dis que ce n’est que partie remise et que je suis obligé de revenir en Normandie. Non mais quelle région !!!

    1. Damien

      Ça fait un paquet de photos en plus pour se rendre compte de sa beauté 🙂
      Merci à toi (et à vous) pour l’intérêt que vous leur portez !
      Tu as même mis la petite branche toute tordue que j’ai aperçu dans son houppier, je me demande ce qui lui est arrivé à celle-ci ?

  5. Aaaaaaaaaaaaaaaaahhhhhhhhhhhhhhhhh……………….

    C’est photos hivernales sont de toute beauté et rendent vraiment compte de la magnifiscence de l’individu.
    C’est exactement ce que j’attendais. J’en avais marre de revoir toujours les même profils. Maintenant on en a vraiment fait le tour.
    Merci Damien.

  6. François Lannes

    Bonsoir Damien,

    Tes photos du chêne sans les feuilles sont splendides et répondent exactement à l’envie que je signalais dans le commentaire précédent. Merci beaucoup car l’on voit ainsi la vraie structure de l’arbre, et surtout son incroyable majesté…
    Le tronc, si puissant, est remarquable. Et sa conicité quasi parfaite ne l’est pas moins.
    Franchement, cet arbre est impressionnant et cela fait plaisir de pouvoir en admirer ainsi un d’aussi beau.

    Il faut noter que la très grande qualité de tes photos laisse tout le loisir de profiter du spectacle !
    Je me régale de la photo D3, dont les couleurs sont du plus bel effet.
    Et la photo D1 permet de faire beaucoup de comparaisons avec la photo originale de 1892 (celle du début du reportage). On y voit comment la branche qui se trouve à la verticale au-dessus de l’étai actuel, a grossi : elle est aujourd’hui devenue un « trait » notable de la charpente de ce chêne.

    Merci pour tous ces compléments, très instructifs.

  7. Ce n’est pas l’avis de tous le monde, mais je préfère amplement des photos d’arbres sans feuillage. Il es toujours bon d’en placer quelques unes avec des feuilles, mais on aura jamais le rendu d’un arbre en situation hivernale, où son houppier est dévoilé pour le bonheur des yeux.

    Très belles photos en effet !!

    1. Damien

      Merci beaucoup pour vos commentaires chaleureux Gilles, François et Sisley, ça me touche énormément !
      Le mérite en revient surtout au chêne, il est naturellement de toute beauté !

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