Le Parc de la Guyonnière, Montreuil-Juigné (Maine-et-Loire)

(Un article de Gilougarou, l’arpenteur des bois)

En début d’année dernière, grâce au livre des arbres remarquables en Maine-et-Loire [1], Krapo m’avait mis sur la piste d’un magnifique tilleul dont les branches basses, en s’enracinant, avaient créé comme une petite forêt autour de l’arbre principal. On pouvait le trouver dans le parc de la Guyonnière à Montreuil-Juigné. (clic les photos)

Mais, première surprise, le tilleul a disparu et il ne reste de lui que le bosquet dû au marcottage. Après m’être renseigné, il apparaît qu’il était parasité par un champignon lignivore et qu’un beau jour, sans même l’aide d’une tempête, il s’est effondré. Son heure était venue, on peut simplement se rassurer en se disant qu’il n’est pas tout à fait mort…

Ce n’était cependant pas le seul représentant de son espèce. Juste derrière le panneau d’entrée, j’ai découvert un autre tilleul qui compense sa discrétion par sa circonférence imposante de 5m90 à 1m30. Un vieillard courbé par les ans et dont les tailles répétées devraient le prémunir de toute chute.

C’est juste après que l’on tombe nez-à-tronc avec les deux stars affichées de ce parc.

Tout d’abord, voici le plus gros. Un chêne que l’on pourrait mettre dans la classe des napoléons [2][3], magnifié par sa forme en lyre que lui donnent ses trois grosses charpentières. Il mesure une vingtaine de mètres de haut pour une envergure maximale légèrement supérieure et son fût pose sans complexes ses 6m de circonférence à 1m30 à côté de l’aire de jeux pour enfants.

Il est vraiment impressionnant mais ce sentiment est presque atténué par la présence de son voisin dont le volume du houppier est équivalent. Un pin parasol royal de 3m30 à 1m30. Il est tellement élancé qu’on aperçoit l’intégralité du houppier qui dépasse au-dessus du bâtiment lorsqu’on est au fond du parc : une vision formidable !

Pour rester dans la même famille, j’ai été charmé par un couple de pins noirs situés dans un bosquet de la partie nord du parc peuplé entre autres de séquoias sempervirens. La présence de ces voisins élancés a forcé nos deux compères à aller tutoyer les cieux et j’évalue leur hauteur à 35 mètres.  Leur circonférence est tout aussi peu banale avec 3m20 et surtout 3m90 à 1m30.

Le Maine-et-Loire me semble être une terre de prédilection pour le chêne depuis que je l’explore. Je n’ai donc pas été très étonné d’en trouver d’autres le long d’un chemin creux bucolique au milieu du parc au creux duquel coule un petit ruisselet dont le flux ne tarit jamais au dire d’un charmant vieux monsieur qui promenait son chien. Voici donc deux chênes anciennement têtards de 5m30 et 5m70 de circonférence à 1m30. Leurs tronc enflés dominent le promeneur du haut de leur talus.

Parmi les nombreux autres très beaux chênes qui garnissent les lieux, il en est encore un autre qui sort du lot. Situé au sud sur les flancs du relief principal boisé, il semble jouer les sentinelles. Il est en position dominante et crée un vis-à-vis intéressant avec son aîné de l’entrée. 5m30 pour celui-ci également et un houppier largement fourni et étalé.

Le tour des gros arbres semble effectué, mais les plus singuliers sont à venir. Vers l’amont du ruisseau, on aperçoit au creux du vallon un buisson vert foncé qui ne trompe pas. Il y a là un if d’âge déjà avancé ! En effet, sous sa frondaison on rencontre un tronc noueux de 4m de circonférence à 1m30. Il pourrait donc s’agir ici du doyen de la Guyonnière (peut-être même plus âgé que le chêne ou le tilleul de l’entrée) avec environ 300 ans.

J’ai pris contact avec les services municipaux de Montreuil-Juigné et le responsable m’a non seulement éclairé sur la raison de la disparition du tilleul remarquable mais également indiqué un autre arbre que j’avais manqué la première fois et qui, selon lui est le véritable spécimen remarquable. Après l’avoir vu, je lui donne raison. Derrière un séquoia géant de 5m10, voici un orme qui s’élance à bien 25 mètres de haut pour 3m60 de circonférence à 1m30. Ces caractéristiques le rendent déjà remarquable, mais ce n’est rien comparé à la singularité que l’on peut observer juste en dessous de la première fourche de son houppier. Voici ce qu’on appelle un phénomène de corde. Le tronc s’était légèrement creusé, mais l’arbre bien vivace à réagit et cicatrisé totalement ses plaies. Résultat, deux troncs distincts côte à côte. Le plus petit, la corde, se trouve placé de telle façon que, vu l’inclinaison des branches pour aller chercher la lumière, tout l’effort de traction dû au poids du houppier passe par lui. Un arbre fragile, donc, mais à l’intérêt sylvicole certain.

Ce parc est tellement grand qu’il m’aura fallu m’y rendre quatre fois pour finaliser cet article. Mais ce n’est pas une corvée, ce n’est que du plaisir. C’est un parc de campagne très différent de ceux que l’on connait dans les grandes villes. Il n’est pas entretenu de façon trop poussée et chaque arbre peut s’exprimer à loisir.
Cet été, certain arbres étaient même pratiquement inaccessibles pour effectuer des mesures car des murs entiers de ronces, orties et autres hautes herbes les protégeaient. Cet hiver, tout a été dégagé pour mettre en lumière les jeunes plans issus de la régénération naturelle qui avaient bénéficiés de cette protection anti-piétinement. Autre particularité, les arbres morts sont élagués mais leurs troncs sont maintenus au profit de la faune et de la flore. Un magnifique travail et l’on peut féliciter l’équipe technique pour ce respect de l’environnement et de la biodiversité.

On trouve ici bien des arbres remarquables qui dominent un peuplement très intéressant. Je n’ai pas présenté dans cet article tous les spécimens, j’ai donc élaboré une google map pour vous faire bénéficier d’une visite virtuelle plus complète.
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Mise à jour 01/02/10 : reçu des photos du tilleul disparu (prises en 2002 et 2003)

Merci pour ces clichés Bertrand, il s’agissait vraiment d’un tilleul superbe, le marcottage des branches en faisait un individu hors normes, pièce maitresse de ce parc.

Il s’agit de la première collaboration de Bernard, mais avec Alex l’un de ses amis, ils se sont promis de nous faire découvrir les vieux arbres de Normandie. Faites donc un tour sur leur blog et commencez la balade, c’est par ici.

8 réflexions sur “Le Parc de la Guyonnière, Montreuil-Juigné (Maine-et-Loire)

  1. Salut Gilles,

    génial ! tu as enfin réalisé un article sur ce fameux parc, une très belle diversité et apparemment une gestion intelligente du domaine. Félicitation aux équipes qui se succèdent pour entretenir tous ces arbres !
    « Cet été, certain arbres étaient même pratiquement inaccessibles pour effectuer des mesures car des murs entiers de ronces, orties et autres hautes herbes les protégeaient. Cet hiver, tout a été dégagé pour mettre en lumière les jeunes plans issus de la régénération naturelle qui avaient bénéficié de cette protection anti-piétinement. »

    Mes préférés : le bosquet marcottant de tilleul, le chêne sentinelle, et bien sûr le doyen des lieux : l’if séculaire. Ça donne envie d’une balade…

  2. Hé ! Je ne serais pas loin de faire le même classement !
    Mais, au-delà des individus, c’est le chemin creux qui m’a le plus enchanté : un filet d’eau aux pieds et deux murailles de verdures qui forment une voute au-dessus…
    Pour la promenade, voilà pourquoi j’ai fais la google map. Avec la nouvelle belle résolution de la vue satellite (Merci google) et les photos qui donnent de la profondeur, je suis assez content de l’effet de pseudo-3D.

  3. Sisley

    Salut tous le monde !

    Je crois que cette visite virtuelle sera celle du mois !

    Pas loin de 25 spécimens, tous plus curieux les uns que les autres, de la diversité tant dans les espèces que les formes, ports et développements.

    Pour un petit top 5 : orme/if/bosquet marcotteur/pin parasol/chêne napoléon.

    T’as bien du t’éclater dans ce vaste domaine, ça me rappelle un peu l’exploration de grands parcs quand j’essaye tant bien que mal, de pas louper un passage, du fait de l’aspect labyrinthe de certains.

    P.S : au fait, à combien d’arbres, pouvons-nous être actuellement, comme certains articles en on plus de 20, d’autres 1 ou 2 ?

  4. Salut Sisley, je vois que la visite t’a enthousiasmé. 🙂 Effectivement, j’ai eu beaucoup de plaisir à me promener dans ce parc et comme tu le dis, c’est si vaste et si touffu que je n’ai pas tout vu la première fois.

    Autre phénomène, la densité de gros spécimens en dévalorise certains. Par exemple, certains chênes que je n’ai fait figurer que sur la Map m’avaient paru visiblement plus petits que les principaux qui sont dans cet article et je les avais laissés de côté, mais en y retournant, j’ai pris le temps de les mesurer et lorsque j’ai trouvé 4m30, 4m60 etc…, je me suis dis que les mêmes spécimens isolés dans la nature m’auraient sauté aux yeux.
    En tout cas, ça m’a pris du temps cet article entre le tri draconien des bonnes photos (seulement 2 ou 3 maximum par pied pour ne pas alourdir l’article), la collecte de renseignements et la Map (nécessaire pour qu’on comprenne mieux l’implantation).

    Bref : une bonne expérience.

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