Le Rombergpark de Dortmund, Nordrhein-Wesfalen (Allemagne)

Suivons Sisley dans une expédition en Allemagne avec son frère et un ami à lui durant l’été 2008, un article un peu technique mais qui passionnera tous ceux qui aiment les sorbiers.

« La matinée était assez maussade dans l’ensemble mais une fois arrivée sur place, la météo ne me découragea plus quand je vis ce qui s’offrait à nous, un vaste parc d’environ 65 ha dont les premières plantations dateraient de 1818 à 1822 lors de l’acquisition de cette étendue par la famille Romberg, les années passèrent avant qu’en 1951 y fut crée un jardin botanique avec de multiples installations, dont plusieurs serres. Un épisode de forts bombardement s’est joué sur ce secteur en 1944, le château fut détruit et une partie du parc, mais aujourd’hui tous les trous sont comblés et le moindre espace occupé. [1] »

« Je ne m’intéresserai qu’à quelques spécimens en particuliers, bien que les collections soient d’une surprenante richesse, notamment en bouleaux et certains conifères exotiques. »

« Au détour d’une allée que ne fut pas ma surprise que je me retrouvai nez à nez avec un splendide chêne, mais pour lors ce ne fut guère le chêne qui m’intéressa mais plutôt son élégant compagnon, un superbe lierre montant sur son tronc en parcourant 15 à 17 m de hauteur. On peut plus parler d’un enchevêtrement de brins qu’un pied unique bien défini, ce qui en terme de résultat nous donne aujourd’hui un très bel ensemble. Même si j’avais voulu le mesurer, la pratique m’aurait été impossible au vu de la morphologie du spécimen ! »

« Puis continuant dans les sentiers en suivant les méandres encadré de bouleaux venant des quatre coins du monde, j’en perdis d’abord mon latin, puis je dus vite m’habituer à cet espace de grande diversité pour enfin déboucher dans une petite parcelle du genre sorbus où je fus plus qu’étonné par les trois individus rencontrés, un cormier, un alisier de Fontainebleau et un alisier de Suède, un beau groupe d’arbres, dont deux exemplaires étaient sans aucuns doutes possible d’une grande remarquabilité. Le cormier avait un tour de tronc compris entre 1,55 et 1,85 m pour plus de 15 m, l’alisier de Fontainebleau tournait autour des 2,50 m de circonférence à plus au moins 25 cm près pour 10 à 12 m et l’alisier de Suède avait 3,02 m de tour pour 10 m de hauteur (mesures datant de 2006 / D. Ehlert / championtrees.de). »

« Les deux derniers exemplaires cités, possèdent des dimensions très peu banales, pour se faire une idée, il est relativement rare de voir des alisiers de Fontainebleau de plus de 1,85 m de tour et des alisiers de Suède de plus de 2,20 m de périphérie, c’est pourquoi pouvoir contempler un tel doublé, fut un moment intense, surtout quand on connaît mon intérêt pour ce vaste genre d’arbres ! »

« Sorbus latifolia ou alisier de Fontainebleau serait issu d’une hybridation stable entre l’alisier torminal et l’alisier blanc, dans des zones où ces deux espèces se côtoient, notamment dans le sud-est du bassin bassin parisien et dans l’Yonne. Cependant cela fait des décennies que problèmes d’identifications demeurent à son sujet, on sait que ces hybrides peuvent générer des graines viables donnant à partir du semis naturel des individus conformément identiques au plan mère, autrement dit des clones. Cette reproduction se nomme apomixie, cela ne passe pas par une reproduction sexuée, la plante réalise son cycle de maturation des fruits un peu comme une autre plante où il y aurait eut fécondation, mais tout cela se passe par une voie prédéfinie où la fin les graines au lieu d’être stériles comme pour environ 80% des hybrides de genre, ces dernières pourront germer mais uniquement donner naissance à des exemplaires qui seront le même produit qu’un drageon, c’est à dire un prolongement de l’arbre initiateur.
Mais dans ce vaste genre, tout n’est pas si simple, il s’avère qu’autres formes d’hybridations existent, notamment certaines où l’individu produit est issu d’une espèce pure et d’un sujet étant déjà issu d’un croisement (sorbus torminalis x sorbus aria). Le résultat final donnerait sorbus x torminaloides et ceci n’est qu’une autre possibilité parmi les multiples qui sont observées dans ces environnements. »

« Dans certains cas, on parle même de micro-espèces, tant la diversité en matière d’hybridation tournant autour de ces deux espèces est riche et complexe. C’est en fait le cas en Angleterre et en Hongrie où 20 de ces dernières sont déterminées comme telles. »

« Pour mieux comprendre, voici deux documents, en somme assez pointus, mais essentiels pour s’y retrouver car quand on rentre dans le domaine de la génétique, il faut bien comprendre la complexité des différents phénomènes. »

Alisier torminal, alisier blanc, hybrides… comment s’y retrouver ? (Bénédicte Le Guerroue/ Onf, conservatoire génétique des arbres forestiers ; Michel Valance / Conseil général de l’Essonne, direction de l’environnement / 2008).

Tela Botanica – synthèse de discussions entre des botanistes à propos de la détermination de l’alisier de Fontainebleau dans la nomenclature des taxons.

« Et pour le cas de l’alisier de Suède, c’est encore une autre histoire, quand on sait qu’il serait issu de l’hybridation entre l’alisier torminal, le blanc et le sorbier des oiseleurs… On en parle un peu dans le second document. »

« Une véritable défiance face à la recherche scientifique en matière de détermination et de taxinomie, comme quoi le monde du vivant n’est pas toujours une chose que l’on peut aisément étiqueter et ranger dans un tiroir… ! »

« En somme ne nous égarons point et profitons de cette merveilleuse richesse que la nature nous offre, c’est vrai qu’on aimerait toujours mettre un nom sur un végétal, mais aujourd’hui même à la technicité de pointe avec laquelle œuvrent les botanistes, on n’est pas toujours capable de répondre à certaines questions. »

« Donc retenons, quelques points : dans la nature par proximité d’espèces, des hybrides naturels voient le jour, ces derniers étant la plupart du temps stériles et se reproduisant par voies végétatives, il arrivent aussi que des hybrides « stables » naissent, notamment dans le cas de l’alisier de Fontainebleau reconnu mais pour la plupart des autres l’instabilité est beaucoup plus fréquente. Le mélange de plein de paramètres vient également perturber la réelle complexité de base que nous montre le genre sorbus et ses multiples potentiels d’hybridation avec tant d’espèces parentes. »

« Pour vous faire une idée, j’ai concocté dans un cadre un herbier avec les différentes feuilles qu’on peut retrouver, de gauche à droite, cormier, alisier de Fontainebleau, alisier blanc, sorbier des oiseleurs, alisier torminal. Vous voyez bien la fusion des critères morphologiques du torminal et du blanc sur le Fontainebleau, je pense que cet échantillon provenant de ce fameux parc est un véritable, compte tenu de l’explication des différents documents. J’y ajouterai encore celui de Suède, de Mougeot, le nain et l’ x hybrida (s. aria x s.aucuparia). »

« Enfin, vous verrez bien par vous même si tout ceci vous parle, je suis conscient qu’approfondir sans cesse les choses ne fait que nous poser d’autres questions, mais néanmoins il est intéressant de voir de quoi le monde des plantes est fait et notamment celui de ces arbres pionniers que sont les alisiers et sorbiers, des arbres possédant une rare plasticité découlant sur une adaptation dans de nombreux biotopes. »

Encore une fois, un superbe article très bien documenté, merci Sisley ! De très beaux individus pour le genre sorbus, les deux alisiers sont véritablement hors-normes et connaissant ta passion pour ces arbres, j’imagine sans peine ta joie lorsque tu les as rencontré ! Merci pour toutes les explications et les documents botaniques, un article qui m’a beaucoup appris. Enfin, le lierre est une découverte surprenante, quel entrelac !

8 réflexions sur “Le Rombergpark de Dortmund, Nordrhein-Wesfalen (Allemagne)

  1. Yanick

    Merci ,
    Sisley de nous avoir encore une fois emmener dans le tourbillon de ta passion pour les sorbus. Et bravo pour ce superbe herbier où j’ai pu découvrir à quoi ressemblait la magnifique feuille du sorbier des oiseleurs.

  2. Damien

    Très technique en effet, mais passionnant !
    Pour des essences en général discrètes dans le paysage, on a affaire ici à des spécimens hors du commun. Mon préféré dans la sélection reste toutefois le lierre, il est vraiment superbe !
    Je suis trop néophyte pour apprécier les dimensions des sorbiers et me rendre compte pleinement de leur statut… (excusez moi )

    – – – – – – – – – – – – – –

    J’ai hâte d’avoir des nouvelles de tous les mails que je t’ai envoyé Krapo, bon courage pour tout le travail que tu as et merci de le partager ici !

    1. Salut Damien,

      pas pris le temps de te répondre, mais t’inquiète… c’est juste que je manque un peu de temps disponible sur internet, déjà je vais publier en taxus, et après le WE je te recontacte.

      Les sorbiers je ne connaissais presque pas avant de rencontrer Sisley, et il a réussit à me transmettre sa passion, mon seul regret c’est de ne pas trouver de cormier par ici, mais des alisiers et sorbiers des oiseleurs, mais qui sait ce que réservent les explorations ! 🙂

      1. Damien

        Salut,
        je sais bien que tu es débordé et que question internet c’est un peu ric-rac je voulais juste savoir si dans les arbres non répertoriés il y en avait qui t’intéressaient. Par exemple les deux chênes de saint andré, le hêtre de maucomble, l’if d’à coté et aussi pour le repérage sur google maps, si tu souhaites que je continue. Amitiés 😉

  3. A Lier le Chêne au gré de l’Hier ,
    Serpenter d’Hors autour d’Ecorce ,
    L’Essence en Ronde cherche en Lumière ,
    Au Fil d’Alliance à Prendre Force .
    Sorbier Divers en Beau Jardin ,
    Couvre en son Monde le Chant de l’Une ,
    Trouve la Fortune de Par Chemins ,
    Des Lettres d’Ors , en Verts de Runes.
    NéO~

  4. L’alisier de Fontainebleau est dans le parc depuis 1930-1933, on ne connait pas l’âge qu’il avait lors de sa plantation, mais je ne pense pas qu’il a plus 90 ans.

    L’alisier de Suède peut avoir sensiblement le même âge.

    (source : le directeur du jardin botanique contacté par e-mail )

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