La forêt usagère de La Teste-de-Buch est unique en France, elle a poussé naturellement sur des dunes anciennes, la « montagne » de La Teste est le dernier témoin des forêts qui s’installèrent en ces lieux il y a près de 2000 ans. Forêt remarquable de part son statut ancestral unique, mais aussi parce qu’elle abrite des pins aux formes étonnantes, témoins vivants d’une ancienne tradition : le gemmage. (clic pour agrandir)
Le gemmage est une opération qui consiste à blesser les pins maritimes afin de les forcer à produire de la résine pour cicatriser leurs plaies. Le gemmeur, ou résinier, est celui qui pratique cette blessure et qui récolte la résine. Après distillation de la résine on obtient deux produits essentiels : l’essence de térébenthine et la colophane. Le gemmage a été abandonné dans les années 75/80, faute de rentabilité et de concurrences espagnole et portugaise notamment (prix plus bas).
Ci-dessus, un pin gemmé affichant une circonférence de 4,85m à 1,50m (260/270 ans).
Ces pins remarquables et exceptionnels sont appelés « pins-bouteille » en raison de leur forme actuelle, et ils sont uniquement présents dans cette région. Ils présentent des bourrelets de cicatrisation sur toute leur circonférence (ourets), et certains ont subi plus de 30 carres (gemmage) et sont facilement reconnaissables.
Tous les pins gemmés ne deviennent pas “bouteilles”, les plus beaux spécimens étant ceux “gemmés à mort” (et qui n’ont pas été abattus) et on n’en trouve que dans les forêts usagères (La Teste et Biscarosse) ; les forêts domaniales étant des forêts de rapport n’ont gardé aucun pin gemmé. Noter également que ces pins, fragilisés à leur base par ce phénomène, disparaissent souvent lors des fortes tempêtes [1].
Coupes transversales de pins gemmés [photos prises au Muséé des Traditions et de l’Histoire de Biscarosse, (avec l’aimable autorisation de M. Cassen – Directeur du Musée) dont je conseille la visite, fort intéressante] : on aperçoit l’empreinte arrondie des carres, les bourrelets qui sont venus de chaque côtés assurer leurs cicatrisations, puis la reprise de la croissance normale du pin.
Merci à Bertrand Quinton pour les renseignements sur cette belle forêt et les photos fournis: il mène bénévolement un inventaire des pins-bouteilles les plus remarquables (plus de 4,00 m de circonférence à 1,50m et positions GPS). Il y aura certainement quelques individus qu’il nous présentera avec plus de détails… à la suite de ses prochaines découvertes (la Forêt Usagère de La Teste-de-Buch s’étendant sur près de 4000 ha).
Pour ceux qui voudraient en apprendre plus sur cette forêt ou sur le gemmage, je vous conseille la lecture de l’excellent dossier réalisé par Robert Aufan, voir par ici.
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Photos d’un pin gemmé d’env. 240 ans exposé à Escource dans les Landes.
À noter que bien qu’il présente un nombre important de cares, il n’a pas encore développé la forme « bouteille ».
Le pin des Landes
On ne voit en passant par les Landes désertes,
Vrai Sahara français, poudré de sable blanc,
Surgir de l’herbe sèche et des flaques d’eaux vertes
D’autre arbre que le pin avec sa plaie au flanc ;
Car, pour lui dérober ses larmes de résine,
L’homme, avare bourreau de la création,
Qui ne vit qu’aux dépens de ceux qu’il assassine,
Dans son tronc douloureux ouvre un large sillon !
Sans regretter son sang qui coule goutte à goutte,
Le pin verse son baume et sa sève qui bout,
Et se tient toujours droit sur le bord de la route,
Comme un soldat blessé qui veut mourir debout.
Le poète est ainsi dans les Landes du monde :
Lorsqu’il est sans blessure, il garde son trésor.
Il faut qu’il ait au cœur une entaille profonde
Pour épancher ses vers, divines larmes d’or !
Théophile Gautier – 1840.
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Merci pour toutes ces cartes postales anciennes Bertrand.
Quoi te dire… Encore un article super documenté.
Tu t’appuies avec raison sur le travail de spécialistes qui en plus te fournissent aimablement des photos et tu en fais un article qui synthétise tout ça de façon claire tout en permettant à ceux qui souhaitent approfondir la question de trouver des liens contenant des études complètes.
Voilà pourquoi nous ne sommes que d’humbles Krapo-reporter et toi le maître de cérémonie irremplaçable.
…
Oui je sais j’ai fait chauffer la brosse à reluire là, mais après avoir découvert cet article, je n’ai pas eu à me forcer beaucoup. 🙂
Salut Gilles,
merci de ton commentaire chaleureux !
une superbe découverte ces pins-bouteille, et une belle rencontre humaine ; Bertrand est un véritable passionné et fin connaisseur de ces traditions anciennes. Il nous fait découvrir une pratique abandonnée définitivement en 1990, mais qui sera peut-être perpétuée… Il y a fort à parier qu’il nous présentera quelques individus remarquables maintenant que son inventaire et ses photos peuvent être publiés sur le net.
Spécialiste des incisions sur les arbres, il a éveillé ma curiosité avec de telles pratiques sur des aliboufiers dans le Var, quelques très vieux spécimens ont été découverts dans la vallée du Gapeau, à Sollies-Toucas (près de Toulon)
http://fr.wikipedia.org/wiki/Aliboufier
Une histoire à suivre…
Salut,
Très bel article en effet ! « Des pins et des hommes », ça fait plaisir de voir des pratiques où le respect du végétal est ancré dans les traditions.
Je sais bien que les mesures sont en quelques sortes ‘truquées’, mais je pense que même sans interventions, ils auraient de belles dimensions.
De toute manière des pins maritimes de plus de 200 ans ne peuvent qu’être admirés. Surtout après ce qui leur est arrivé dans les Landes l’hiver dernier !
Merci pour l’aliboufier, je connaissais pas..
Bonjour Sisley,
perso j’en avais entendu parler, et j’avais vu plein de documents anciens sur le gemmage, mais je n’en avais pas encore vu de tels spécimens en photo.
J’espère remonter la trace des aliboufiers…
Bonjour Krapo,
J’aimerai mettre un peu de térébenthine sur les feux, je suis un ancien habitant du Cap-Ferret « 1955-65 » a l’école communale du Cap j’ai le souvenir de la raison des pins dans les landes. Au début il y avait beaucoup de marécage, c’est pourquoi on voit les bergers landais sur des échasses.
http://www.litetmixe.com/f/foret/histoire.htm
Mais pourquoi il y a de l’eau dans les Landes derrière les dunes. Il y a une couche d’alios disons une couche métallique sous le sable http://fr.wikipedia.org/wiki/Alios
Un seul arbre était capable de percer la couche d’alios avec ses racines, le pin maritime et après ils ont exploité la sève pour l’essence et après la pâte à papier transformé à Facture qui a déversée toutes les eaux usées dans le bassin d’Arcachon.
Donc le seul arbre capable de creuser cette couche ferrugineuse pour assécher les marais était le pin maritime. Et il ne faut pas oublier que Napoléon III passez ces congés à Biarritz et il traversait cet immense territoire « Maintenant N10 » en calèche.
Bien sur j’essaye d’apporter un complément de votre enquête à ma manière.
Merci pour toutes ces précisions Fabrice.
Salut Krapo
Ton article est extra. Je ne connaissais pas le gemmage et suis contente d’apprendre. De plus, le poème de Gautier est magnifique. Merci donc et passe une bonne fête de fin d’année.
Bé@
Bonjour Bé@,
si je t’ai appris des trucs avec cet article, alors le blog a atteint son but !
Je te souhaite une foule d’instants magiques pour cette année qui débute
Coucou Krapo,
J’ai passé qq jours dans cette région l’été dernier et je les ai vus ! Je me demandais bien pourquoi leurs troncs étaient si étranges !!!
Grâce à ton article j’ai la réponse 🙂 Vraiment une mine d’or d’infos ici sur ton blog !
Je te souhaite une bonne fin d’année.
Bises amicales. Isa
Bonjour Isa,
bien content de te dévoiler les secrets de ces pins-bouteille,
toutes nos forces mises en commun, ce blog devient encyclopédique !
merci de ta visite et à bientôt
Bonjour message pour tout le monde afin de vous souhaiter les voeux très occupée aujourd'hui ce soir je reçois donc voila ! a bientot sur mon blog
Bonjour kathy,
et merci pour ces vœux tout en images, à bientôt.
Je suis tombé sur un site fort intéressant par le plus grand des hasards :
http://meluzine.association.free.fr/
il est encore tout neuf, mais certainement des choses intéressantes en stock.
Voilà
Salut Sisley,
j’avais découvert cette association en recherchant les arbres de PACA, l’association Méluzine est en charge de l’inventaire pour les Hautes–Alpes, je les avais contacté il y a longtemps, mais sans succès. Je vais essayer à nouveau…
Je suis peut-être discret ces temps-ci, mais je suis toujours lecteur régulier et j’apprécie toujours beaucoup la qualité des billets de ce blog auquel je souhaite longue vie.
Meilleure année possible en 2010 à toi Krapo, à tous tes proches, mais aussi à toutes les lectrices et tous les lecteurs de ton blog. Tous passionnés par les arbres, nous avons au moins ce point commun et sans doute beaucoup d’autres !
Amicalement, Paul
De retour sur ton site toujours si documenté et précis. Félicitations !
Et bonne et heureuse année 2010, longue vie à ton blog !
Je te souhaite tout plein de rencontres fructueuses avec des « vénérables », des « remarquables », et bien sûr pas de rencontres de « platanes » comme on dit couramment dans la langue courante…
A un de ces jours… Bettina
Pour ceux qui n’ont pas pu visionner les reportages « Des racines et des ailes » de mercredi. Il était question en deuxième partie, des forêts landaises et à la 83e mn, une interview d’un ancien du gemmage.
http://programmes.france3.fr/des-racines-et-des-ailes/index-fr.php?page=bonus-videos&id_article=722&id_document=1616
Ping : Merci à vous tous ! « Krapo arboricole
Ping : Des mises à jour ont eu lieu… « Krapo arboricole
Bonjour Krapo et Gilles,
Bonne année 2011 à tous.
Mes recherches depuis 2008 ont continué avec notamment:
1 pin-bouteille de 6,00 m de circonf.(dénommé »Pin du SEIGNEUR » :âgé d’env. 350 ans).Ce P-B, abattu lors d’une tempête le 25/08/1992,gît encore dans la FU.
1 de 5,60 m
1 de 5,25 m
plusieurs de 5,00 m,
et ainsi jusqu’à 4,00 m, soit une vingtaine de mesurés et localisés GPS.
Seulement, cette forêt est grande (3 800 Ha) et je ne l’ai pas encore parcourue dans son intégralité.
Bien amicalement à tous.
Bertrand
Quel article extra !
J’ignorais l’existence du « gemmage » et tous les travaux qui en découlent, la qualité de la documentation est au summum.
Je tente de faire le tour de tous les articles, mais Krapo a une sacrée cadence et il est dur de le suivre 😀
Je m’excuse au passage de ne pas laisser de commentaire à chaque fois…
Mais comme un visiteur qui avait laissé son billet sous un « soubresaut » du site, que dire parfois ?
Les mots manquent devant tant de beauté (et de travail pour la mise en page) !
Une phrase pour finir : continue de nous régaler avec tes délicieux articles Mr Krapo 🙂
Pas de soucis pour les commentaires,
l’essentiel est que tu t’éclates quand tu parcours le blog !
Ping : Le cèdre du château de Beauséjour, Gironde-sur-Dropt (Gironde) « Krapo arboricole
Bonjour et bravo pour l’article et les illustrations.
J’écris un article pour la Vie Mancelle et Sarthoise sur le gemmage en Sarthe au XIX et XXe siècle. Je suis en manque d’illustrations.
M’autoriseriez-vous à utiliser gratuitement certaines des vôtres? Je citerais, évidemment votre site en qualité de sources ou celles que vous m’indiqueriez.
Merci de me répondre.
Cordialement
Isabelle
Bonjour Isabelle,
concernant les cartes postales anciennes : aucun problème !
Par contre pour les photos, merci de laisser tel quel le filigrane avec le nom de Bertrand, Quinton avec bien sûr un lien retour vers le blog.
Faites moi signe lorsque ce sera publié,
(j’aimerai bien avoir une copie de l’article)
Bonne journée
Ping : soldat de métier
Ping : La forêt usagère avec la Fête à Léo | cheminsdegironde
Bonjour
Je suis elagueur sur la Bassin d’Arcachon et tres interressé par ces vieux pins bouteilles, savez vous ou je pourrai me procurer les coordonnées GPS de ces vieux arbres? J’aimerai leur rendre visite.
Bonne journée
Harold
Bonjour,
Bertrand Quinton, membre de la Société historique et archéologique d’Arcachon et du Pays de Buch, vous invite à partager avec lui son étude sur ces curiosités de la Forêt Usagère de La Teste-de-Buch.
Cliquer pour accéder à shaapb-presentation-pins-bouteilles.pdf
Après une rapide présentation de la ville de Dax, le documentaire s’intéresse au gemmage et à la distillation de la résine qui permet d’obtenir l’essence de térébenthine et la colophane. Il se termine par une mise en garde sur les menaces qui pèsent sur la forêt des Landes : la surexploitation et les incendies.
Type de média : Vidéo – Documentaire
Date de diffusion : 1921
Reportage de 1943 qui présente la récolte de la résine dans la forêt des Landes.
Type de média : Vidéo – Actualités filmées
Date de diffusion : 26 novembre 1943