L’if-chapelle et l’if-oratoire, La Haye-de- Routot (Eure)

Bien que l’inventaire mené avec le blog avance à grands pas, il reste encore de nombreux arbres emblématiques qui n’ont toujours pas été présentés. C’est le cas des deux ifs de La Haye-de-Routot en Normandie, deux arbres millénaires auxquels Sébastien a rendu visite.

Ces deux Ifs communs (taxus baccata) aux troncs creux poussent au centre du bourg, dans le cimetière, entre l’église Paroissiale Notre-Dame et de la grand-rue du village. Ils ont été aménagés au cours de la seconde moitié du XIXème siècle, pour l’un en chapelle, pour l’autre en oratoire. Leur âge est généralement estimé entre 1400 et 1600 ans mais, ces datations étant incertaines, les 1000 ans paraissent plus probables pour les deux spécimens.

« De nombreux arbres antiques en Normandie sont devenus des hauts lieux de culte. Les ifs de La Haye-de-Routot en sont un bel exemple. Pour y accéder je m’y suis rendu en traversant le massif forestier de Brotonne qui contient plusieurs arbres qui méritent d’être vus. »

« Dés qu’on arrive dans ce charmant petit bourg, on a qu’une hâte, c’est de découvrir le cimetière. C’est deux ancêtres ne déçoivent pas quant on les découvre pour la première fois. Leurs houppiers sont phénoménaux. Grâce à leur ampleur, une bonne partie des tombes se retrouve sous leurs ombres. »

« Pendant quelques secondes, j’avais l’impression que ce décor n’était pas réel. Les aiguilles me semblaient plus longues et plus brillantes que celles qu’on peut voir habituellement sur des ifs. En s’approchant de plus près, on découvre leurs troncs massifs avec une écorce qui fait penser à certaines peintures impressionnistes. »

• L’if-chapelle

C’est depuis 1866 qu’une chapelle Sainte-Anne est installée dans l’if à l’Est du couple d’arbres. Accessible aux visiteurs le dimanche matin, et le 16 juillet pour la fête de Saint-Clair (elle ne fait plus aujourd’hui l’objet de pratiques cultuelles).

Sur une plaque sont inscrits quelques vers (repris sur certaines cartes postales) :

« Par nos aïeuls, il fut planté 00000000000000Visiteurs n’oubliez pas
Cet arbre que l’on a respecté0000000000000le tronc pour l’entretien
Gens de tout sexe et de tout âge0000000000de la chapelle qui a été
Qui reposez sur son ombrage0000000000000bénite par Monseigneur
Bénissant Dieu qui l’a créé000000000000000Devoucoux, évêque
Et tous ceux qui l’ont conservé00000000000d’Evreux, le 9 avril 1866 »

• L’if-oratoire

Dans l’if-Ouest fut aménagé en 1897 un oratoire dédié à Notre-Dame de Lourdes. La cavité du tronc de cet arbre, générée par son vieillissement et les destructions d’une tempête en 1832, s’apparente à une petite grotte. Les cierges déposés sur un autel y signalent la persistance d’un culte marial.

« D’importants travaux furent réalisés pour préserver ce trésor arboricole, et on peut dire que c’est plutôt bien adapté car cela reste discret. Quant on compare avec les photos prises par Henri Gadeau de Kerville [1][2][3], on a l’impression que ces deux arbres ont rajeuni. Ces arbres sont creux depuis des siècles, sans que cela n’affecte leur chance de survie. »

« Un panneau sur place annonce une circonférence de 15 m [4]. En réalité, c’est mieux de préciser à quelle hauteur est effectuée la mesure. Ma mesure n’est pas très précise car mon ruban n’était pas assez long pour faire le tour en une seule fois, cependant j’ai trouvé à 1,30 m du sol : 11,56 m pour l’if-chapelle et 9,67 m pour l’if-oratoire. »

« Avant de repartir, un coup d’œil rapide dans les petites rues du village m’a permis d’entrevoir la silhouette d’un vieux fruitier. On s’approchant plus de doute, même s’il est très haut, c’est bien un poirier. Circonférence 3,32 m à 1,40 m du sol. »

Merci pour les photos et les mesures de ces deux ifs vénérables Sébastien. Cela faisait tellement longtemps que j’espérais les accueillir sur le blog, des arbres que je n’ai jamais vu de mes propres yeux, mais que j’ai souvent contemplé dans les livres. Des arbres millénaires qui selon certains auraient vu le jour aux alentours du VIè siècle sous l’empire romain, dire que l’église et le cimetière à proximité ne furent construits qu’au XIIIè siècle. Deux très beaux arbres, bien entretenus et fort bien mis en valeur. Il m’a été malheureusement impossible de retrouver la trace d’histoires et/ou de cultes antérieurs à la christianisation des deux arbres, mais nul doute qu’on devait y célébrer autrefois de vieux cultes païens.

Enfin, quelle belle trouvaille ce poirier élevé !
____

La Haye-de-Routot célèbre le feu de la Saint-Clair le 16 juillet de chaque année pour célébrer le solstice d’été. Le cérémonial commence par l’abattage d’un peuplier le dimanche précédant la fête, le jeudi suivant l’arbre est débité en bûches. Puis la veille de la fête un bûcher est constitué en forme de pyramide avec en son centre un arbre fraîchement abattu en haut duquel est fixé une croix.
Le soir du 16 juillet, la cérémonie religieuse est célébrée, suivie d’une procession et de la bénédiction du bûcher. Puis, à l’aide d’un cierge, une personnalité met le feu à une brassée de paille. Seul le mat central portant à son sommet la croix, ne doit brûler : si cela arrivait, ce serait un très mauvais présage pour l’année.

De nombreuses photos de l’événement à découvrir par ici. (lien mort, mais l’article a été sauvegardé en pdf, voir en fin des commentaires)

34 réflexions sur “L’if-chapelle et l’if-oratoire, La Haye-de- Routot (Eure)

  1. Yanick

    Un peu kitch les guirlandes multicolores !!!
    Sans compter le risque de court circuit et d’embrasement de ces 2 beaux millénaires.

    Très belle découverte que ce poirier, une petite carte de localisation serait la bienvenue.

    Voilà, c’est fini pour ma petite minute critique.

    Maintenant, Ces arbres sont vraiment fabuleux, c’est vrai qu’ils sont archi-connus et qu’on a un peu attendu avant de les voir sur le blog, mais on ne regrette pas.
    Merci Sébastien.

    1. Oui, étrange ces guirlandes électriques !

      En tout cas, c’est un vrai plaisir de les découvrir avec un max de photos. Cela fait 11 articles dans la catégorie « ifs antiques » – combien en reste-t-il à découvrir ?

  2. Damien

    Et un article sur les ifs en plus, un !

    Superbes ifs en effet, étant allé les voir plusieurs fois ils impressionnent toujours ! Les détails sont intéressants à connaître, ils sont si vieux qu’ils doivent avoir bien des choses encore à nous dire !

    Si tu le souhaites Krapo j’ai des clichés récebts où le ciel est d’un beau bleu, bien que l’article soit au mérite de Sébastien je me permet de demander si certains t’intéresseraient.

    Et pour conclure, oui quelle superbe découverte ce poirier ! Il ne me semble pas l’avoir déjà vu, sans doute étais-je focalisé sur ces ifs millénaires…

  3. Sisley

    Superbes !! Merci pour ces mises à la une !

    Précisions :

    ( mesures des deux ifs en 1890 à 1 m du sol / 9,45 et 8,22 m et en 2002 à la même hauteur on trouve 10,88 et 9,27 m / source – Les arbres remarquables d’Europe/ J.Pater)

    Je comprends tout à fait ton sentiment à l’approche de ces vénérables et le terme est loin d’être exagéré.

    Il m’est très dure de parler de préférence tant le nombre d’espèces que j’affectionne est important, mais ces vieux ifs possèdent quelque chose que d’autres essences ne pourront jamais faire ressortir, un peu comme des vieux parchemins qu’on sort d’un malle retrouvée et qu’on déplie sur une table ou un livre ouvert sur tant d’évènements, mais qui bien sûr se déchiffre avec beaucoup plus de difficulté..

    Le poirier est de toute beauté, une idée de la hauteur ?..

    (p.s : les mesures de l’association a.r.b.r.e.s. effectuées en 2000 sont vraiment peu représentatives et pour des arbres labellisés je m’étonne par cet a peu près dans les données !.. )

    1. Seb

      Salut Sisley,
      J’étais sûr que ce poirier ne te laisserait pas indifférent.
      A-t-on avis quel âge peut bien avoir le plus vieux poirier normand ?
      Est-ce que tu crois qu’on peut découvrir de beau cormier dans l’Eure ?
      Si je retourne là-bas je prendrais le temps d’aller voir les lieux dit « Le Cormier » et « La croix de l’orme ».

      1. Sisley

        Salut,

        D’après les origines d’obtention de certaines variétés qui se situeraient vers 1650-1700, je pense qu’on peut trouver en Normandie des poiriers de l’ordre de 300 ans, mais pas beaucoup plus, car au-delà ça se complique, car bien que de grande longévité, il dépasse rarement les trois siècles, après la météo, l’homme et les organismes font vite décliner l’arbre. Peut-être qu’on peut en trouver sous forme d’espalier comme on en voit contre certaines vieilles façades, notamment dans les châteaux, monastères et vieux corps de ferme. J’ai justement une piste que je me laisse de côté dans les Vosges..

        Pour le cormier, voir avec Roger Rimbert, association Faune et flore de l’Orneet étude de Bernard Lizot sur les arbres remarquables de la région de Breteuil. On parle d’une bonne dizaine d’individus répertoriés, dont certains de 2,70 m de tour.
        (source : Le traité du cormier/ SEPENES )

        1. Seb


          Dommage qu’il est en Suisse (trop loin pour moi) sinon ce poirier de la variété ‘sept en gueule’ vaut le détour.

      2. Damien

        Pour ma part le plus vieux que j’ai vu de mes propres yeux est un poirier de plus de 200 ans et palissé un U, comportant 28 branches !
        Il est situé dans le potager du château d’Acquigny (27), où j’ai bossé à l’été 2008…

        A propos Krapo si tu souhaites un reportage sur les arbres de ce parc je pourrais y retourner et demander des infos ! Je t’avais envoyé un mail avec quelques clichés d’arbres au sein du parc, redis moi cela 🙂

        Et Sébastien toi qui est normand aussi (d’où je ne sais pas ^^) si un jour ça te tente qu’on aille voir un arbre à deux (par exemple pour partager les frais d’essence s’il est éloigné – ou autre) fais moi signe ! Je serais ravi de ne pas aller voir un arbre seul, comme je le fais bien souvent lol

        1. Seb

          Le parc d’Acquigny présente de très beaux arbres que je n’ai vus qu’en photo. Je n’avais pas connaissance de ce poirier.
          Sinon j’espère aussi qu’on aura l’occasion de voir des arbres d’exception avec toi et Alexis.

          1. Damien

            Et bien si notre Krapo est intéressé par un reportage au sein du parc d’Acquigny, ça pourrait être sympa d’y aller prochainement tous les trois pour relever les vénérables du coin 🙂
            Découvrir ou redécouvrir des trésors végétaux, et en plus à plusieurs, le pied ^^

            1. Très très beau poirier, c’est avec grand plaisir que je publierai un reportage sur les arbres de ce parc.
              En plus si ça permet de vous faire rencontrer, alors là c’est le top !

          2. Damien

            Quand est-ce que vous seriez dispo pour une visite du parc ? Je connais le propriétaire et j’ai son fixe ainsi que son mobile, organiser une sortie ne serait pas compliqué une fois une date arrêtée !

  4. Salut Sisley,

    merci pour les mesures anciennes, je n’avais pas pensé à consulter l’ouvrage de J. Pater, juste ceux de Robert Bourdu : Arbres souverains & Arbres de mémoire.

    Comme toi je m’étonne des mesures annoncées par ARBRES… Peut-être était-ce pour maintenir leur statut de plus gros ifs de France face aux autres normands d’Estry et du Mesnil-Ciboult ?

    If millénaire, le Ménil-Ciboult (Orne)

    L’if millénaire d’Estry (Calvados)

    1. WiPe

      J’ai trouvé des mesures plus vieux, publié en 1840, peut-être déja en 1829
      12,05 m pour le plus gros, 8,80 m pour le plus petit, aucun information sur l’hauteur les mesures sont pris.

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