Le châtaignier du Pinet d’Uriage (Isère)

Les mails s’accumulent pas mal depuis plusieurs mois, j’ai quelques difficultés à traiter tout ça en temps et en heures. Du coup certains courriers finissent par s’égarer, tel ce reportage isérois de François que j’avais oublié sous une pile de documents…

« C’est là que l’on voit l’impact créé par le réseau du Krapo Arboricole : Yanick, qui se trouve dans les Deux-Sèvres, c’est à dire bien loin de chez moi en Isère, m’envoie un mail signalant près de Grenoble un arbre annoncé comme remarquable. Il me suggère d’aller rendre visite à cet arbre, et de me rendre compte sur place quelle est la situation effective. Voilà comment les choses ont débuté ! »

« L’arbre en question est un châtaignier, et il se trouve sur les flancs du massif de Belledonne, dans les hauts de la commune de Saint-Martin d’Uriage. Cette commune est d’ailleurs bien fournie en arbres remarquables puisqu’on peut y voir également un très beau tilleul, celui de la chapelle de Saint-Nizier d’Uriage [1], ainsi que le célèbre chêne de Venon [2] qui se trouve, lui, à peine à 2 km de là : deux arbres déjà présentés sur le blog. »

« Il est planté solitaire, dans un champ pour le paturage, et sa silhouette fait tout de suite comprendre que nous ne serons pas déçus. Tronc large bien plein, ramure nombreuse et en grande majorité de bonne santé, l’arbre s’épanouit parfaitement. Ce qui surprend tout de suite, en le voyant, c’est la grosse boursoufflure qui l’entoure entièrement à hauteur de 2 mètres. En fait il s’agit du plan de joint de la greffe. L’écorce a, ici, débordé du tronc support de greffe, manifestant une vitalité apparemment de bon aloi. Mais cette greffe est aussi un souci car c’est à ce niveau que se développe (si elle arrive…) la maladie de l’encre noire, fatale à tant de ces magnifiques châtaigniers. Je dois remercier maintenant Sisley qui, dans un autre forum sur le net, avait cité un livre fort intéressant : « Les châtaigniers du Limousin », de Roger Pouget, livre que je me suis bien sûr procuré. Voici donc ce qu’explique cet auteur au sujet de la maladie :

« L’examen des vieux châtaigniers creux, très fréquents dans les anciennes châtaigneraies greffées, montre que le point de greffe, situé généralement à une hauteur de 1,80 m au-dessus du sol, est souvent à l’origine de la dégénérescence de la partie centrale du tronc. En effet, au bout de quelques dizaines d’années, il semble que l’affinité entre le porte-greffe et le greffon régresse et que la soudure entre les deux parties de l’arbre cesse progressivement d’être fonctionnelle, d’abord dans quelques zones, puis sur une grande partie et parfois sur la totalité de la circonférence. Il se produit alors une séparation anatomique, et par la suite physiologique, entre le porte-greffe et le greffon. Les conséquences de ce phénomène, qui peut se dérouler sur une période de plusieurs années, sont multiples. Dans la zone de la soudure, une nécrose des tissus du bois s’installe rapidement et progresse vers l’intérieur du tronc, tandis que des bourrelets plus ou moins volumineux apparaissent au niveau de l’assise génératrice du greffon et du porte-greffe restée vivante. La destruction du bois interne se développe vers le bas du tronc qui se fissure longitudinalement avec formation, dans l’écorce, d’une zone nécrosée plus ou moins large par laquelle s’écoulent les détritus du bois mort et désagrégés. La mort d’une grosse branche, qui entraîne la désagrégation du bois du tronc au niveau du point d’insertion, peut également être à l’origine de la nécrose des tissus développée à partir de ce point. C’est ainsi que se forment ces arbres creux très fréquents dans les vieilles châtaigneraies. »

« Heureusement le châtaignier du Pinet n’en est pas là, et porte allégrement les 6,50 m de sa circonférence (mesure faite à la taille, c’est-à-dire 1,20 m côté amont, et plutôt 2,00 m côté aval, le pré étant en pente). Cela me laisse supposer un âge autour des 250-300 ans. »

« La partie basse du tronc est d’un bois qui porte de belles nervures à la couleur marron clair. Il semblerait que le bois de ces nervures ait été frotté ou raclé [3], usures peut-être dues à des vaches… ? En tous cas, la production de fruits est sans problème et nous avons pu le voir garni de jolies et très nombreuses bogues. »

Merci pour ce reportage François, quel plaisir de voir que le réseau du blog fonctionne à merveille (tu voudras bien m’excuser pour le retard dans la publication). Un très beau châtaignier paraissant en pleine forme, une belle ramure avec peu de bois mort, et un tronc puissant qui ne laisse pas indifférent avec ce point de greffe bien marqué. Merci également pour l’extrait très instructif du livre de R. Pouget, souhaitons que le châtaignier du Pinet échappe à cette terrible maladie de l’encre.

16 réflexions sur “Le châtaignier du Pinet d’Uriage (Isère)

    1. Sisley

      Merci, intéressant cette vidéo !

      Bien construite et forte en sensibilisation, elle aurait le mérite de circuler dans plusieurs départements.

  1. Yanick

    Je l’avais oublié celui là.
    En tout cas bien content de le découvrir ici. Ces boursouflures au point de greffes sont vraiment incroyable. Ce qui me surprend, c’est qu’il ne semble pas vriller dans le même sens de chaque côtés du point de greffe.Un bel arbre qui semble en bonne santé, la cime ne semble pas se dessécher.

    Salut Christophe, si tu fouilles bien, tu devrais aussi retrouver 2 tilleuls envoyés pas François

  2. damien

    Superbe, j’adore l’effet que lui donne la pente sur les photos !
    On pourrait croire que le photographe tient son APN de travers lol

    Impressionnante boursouflure enfin, je ne savais pas que les arbres greffés se creusaient souvent à cause de leur greffon justement…
    Merci pour ces précisions très intéressantes !

    – – – – –

    Y aura t’il un article spécial « 100 000 de visiteurs ? »
    Au train où ça va c’est pour dans quelques jours 🙂

  3. Belle Rencontre en Dévers , d’une Lignée Immortelle ,
    Onirique est son Chant , Veille de Voix Souterraines ,
    Coeur d’une Onde en Bois Dort , Songes aux Vents ,
    De Belles Lignes se Dévoilent , l’Arbre en Corps vrille le Torse ,
    Châtaigner sous les Ans , Brille à l’Hors et sans Peines ,
    Ses Racines en Vivant , Touchent une Mère à l’Ecorce ,
    Séve Prend Force à la Source , Donnant Fleurs en Lumières ,
    Temps d’Histoies en Ses Cernes , d’une Nature Essentielle.
    NéO~

  4. François Lannes

    Hello Krapo !

    Pas de vexation pour cet « oubli », non. Je crois que de ton côté, ces derniers temps, tu as eu (et as peut-être encore ??) beaucoup de choses à organiser. Donc n’aie pas de soucis. Ce qui compte, c’est que le blog continue d’avancer et, avec ce que nous avons pu y voir récemment, c’est bien le cas.
    Donc tout baigne !

    Yannick parle de 2 tilleuls, mais dans mon historique de mails je n’en retrouve qu’un : celui du château de Pupetières (envoi du 18 février dernier). Par contre, j’avais fait suivre une jolie glycine (petite) mêlée à un arbre de Judée (envoi du 19 avril). Ce ne sont pas des « vénérables », ni l’un ni l’autre, mais les couleurs étaient belles…. Tu verras si ça vaut le coup.

    1. Yanick

      Salut François,
      Je ne retrouve plus les mails mais de mémoire c’est peut être Notre Dame de Commiers et St Martin en Vercors. Mais je ne suis sûr de rien. Et peut être que ces 2 tilleuls ont étés présentés depuis. C’est que je commence à m’y perdre dans cette belle forêt.

  5. Merci de ne pas m’en tenir rigueur François ! J’ai effectivement plein de trucs à régler, la vie n’est pas simple en ce moment, mais bon je suis heureux & amoureux, et c’est là l’essentiel. De plus le blog marche à plein régime avec des visiteurs de plus en plus nombreux, – idem pour les reporters !

    Le tilleul ne me dit rien, il faut que je fouille (+ de 250 mails…)
    mais le couple glycine / arbre de Judée me dit quelque chose…

  6. Sisley

    Bel article, l’arbre est très photogénique de par sa situation, sa forme et son bourrelet de greffe prononcé.

    Il faut tout de même quelques conditions réunies pour la maladie de l’encre dont il existe plusieurs différents agents pathogènes, notamment celui des racines et l’autre du collet. Le principal mode de transmission se fait par l’eau, donc d’une parcelle à l’autre par ruissellement le mal peut changer de cible, il n’est pas forcement nécessaire que l’arbre présente des zones nécrosées dans le tronc pour que la maladie sévisse, seulement des carences l’affaiblissant, des racines abimées ou un épisode de stress hydrique, de plus comme ces espèces sont saprophytes, c’est à dire elles peuvent rester en dormance dans le sol un certain nombre d’années sans dépendre d’un hôte, le problème s’en verra d’autant plus pernicieux.

    1. kurk

      Il se trouve au Pinet d’Uriage, à quelques kilometres de Grenoble. Pour le trouver, il faut suivre la direction du Camping du Buisson à la sortie de Saint Martin d’Uriage et demandez l’accord des gérants du camping ( pas de probleme, ils sont tres sympa et fieres de leur arbre ! ) pour le voir ou prenez le petit chemin apres les maison.

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  8. Ping : Les arbres remarquables de Grenoble – 1ère partie : les Géants et les Obèses | Les têtards arboricoles

  9. Ping : Les arbres remarquables de Grenoble – chapitre 3/3 : Partir à leur rencontre ! | Les têtards arboricoles

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