Sapin Gogant « Le Benjamin », Saint-Cergue (Suisse)

Agnès m’a transmis de nouvelles informations sur le sapin Benjamin de Saint-Cergue, du coup j’ai entièrement remanié cet article avec de nouvelles photos, un historique plus poussé, et enfin reclassé l’article, car bien qu’il ne présente pas un port en chandelier, ce sapin est bien un Gogant, en attestent quelques branches parallèles au tronc et les photos anciennes.

C’est le seul survivant des fameux Gogants de La Borsattaz qui étaient si bien connus à l’époque et dont on trouve aujourd’hui encore des traces dans le guide Michelin et sur les anciennes cartes postales. Je suis un peu certaine que ce tableau était posé il y a plus que 80 ans :  Le Benjamin ainsi que sa maman et son papa sont mentionnés dans le livre « Les Beaux arbres du Canton de Vaud »,  de Badoux Mh, éditeur Sauberlin Pfeiffer (1910).

Le Gogant intitulée « Madame » sur la carte postale a brulé lors d’un feu de la fête du 1er août (une info qui reste à confirmer). Le Gogant « Monsieur » a lui succombé à de nombreux impacts de foudre (une partie de son tronc est encore visible).

Le seul survivant est « Bébé » qui porte aujourd’hui fièrement le nom de « Benjamin ».

Il a subit aussi de nombreuses orages et sa cime s’est considérablement raccourcie : de 40 m indiqué sur l’ancienne table d’orientation [1], à 27 m selon le panneau affiché sur son tronc.

Le « Benjamin » est surtout impressionnant par sa taille, mais un peu moins par le développement des branches qui montent en parallèle du tronc. Il en a quelques unes, mais il ne fait pas particulièrement penser à un chandelier. Par contre on peut bien voir sur les photos, qu’il a été touché à maintes reprises par la foudre. Malgré cela, il se porte très bien, et on voit qu’il a même réussi à sortir de nouvelles pousses au sommet.

Michel et moi partageons une réflexion sur les raisons qui font que les vieux gogants sont capables de supporter de nombreux impacts de foudre durant leur longue vie (jusqu’à une certain limite bien-sur). Nous avons observé qu’un vieux sapin qui n’a pas développé ses branches pour que certains prennent également le rôle du tronc, a beaucoup moins de chance à se remettre après de grands impacts du foudre : sa partie supérieur du tronc reste brûlée et il n’a presque plus la force de faire de nouvelles repousses. Ces vieux sapins à développement normal se trouvent dans les forêt où ils n’ont pas besoin de se protéger particulièrement, parce que les autres arbres autour d’eux les protègent un peu de la foudre.

Ceci est entièrement différent pour les sapins blancs que j’appelle les gogants ; ils se trouvent tous  soit au plein milieu d’un alpage ou alors au bordure d’une forêt. Ils sont donc entièrement vulnérables et ils ont besoin de développer une stratégie de survie pour pouvoir rester en vie après plusieurs centaines d’années ! En effet, j’ai trouvé sur presque tous les gogants (sauf ceux qui vivent dans des cuvettes et qui se cachent)  des traces de nombreux impacts de foudre ! Et malgré cela ils se portent bien, et font de nouvelles repousses.

D’après ce que j’ai pu comprendre, il a besoin de beaucoup d’eau pour pouvoir alimenter correctement sa masse énorme. Je pense qu’un vieux sapin a très souvent les « pieds dans l’eau » ou tout au moins ces « doigts de pieds ». Il est un bon conducteur pour l’énergie et attire de ce fait facilement la foudre sur lui.

Une petite parenthèse pour signaler que d’après mes observations, une des raisons que le sapin blanc devient de plus en plus rare est liée au fait que la quantité d’eau souterraine diminue, voire que la qualité de l’eau s’est trop dégradée. Bien sûr, le sapin a aussi besoin de beaucoup d’humidité dans l’air parce que l’effet d’évaporation l’aide à faire circuler l’eau.

Les racines du sapin se plongent donc très profond dans la terre et ils accèdent d’après mes mesures et celle d’un géobiologiste à des réseaux d’eaux souterraines. Ce qu’on peut merveilleusement bien observer chez le Benjamin. On voit aussi qu’il est  encadre par deux épicéas qui entre-temps l’ont rattrapé en hauteur puisque le Benjamin a diminué sa hauteur de 40 à environ 25 m.

Trouver un sapin très proche d’un épicéa et vice versa est un phénomène assez courant. Une des principales raisons est la différence dans l’enracinement des ces arbres. L’épicéa puise son eau avec des racines qui sont plutôt à l’horizontale et n’entre donc pas en concurrence avec le sapin.  Ceci explique aussi le fait qu’un épicéa puisse être déraciné par des vents très forts,  mais un sapin jamais : il cassera peut-être des branches ou encore  une partie supérieure du tronc, mais son enracinement restera intact.

Merci pour toutes ces nouvelles données Agnès, l’article est dorénavant bien complet !

17 réflexions sur “Sapin Gogant « Le Benjamin », Saint-Cergue (Suisse)

  1. Sisley

    Effectivement l’article est maintenant type top !!

    ça a du être une sacrée famille pendant les années glorieuses mais d’après ce que je lis la foudre est venu s’en mêler à de nombreuses reprises.
    5,60 m de tour avec un tronc unique c’est plus que remarquable, il y a bien celui de la Rondenoire, mais la formation de son tronc est plus complexe.

    J’ai là des éléments sur l’état du sapin blanc dans le nord-est :

    http://cat.inist.fr/?aModele=afficheN&cpsidt=5268473

    Cliquer pour accéder à le-dc3a9pc3a9rissement-du-sapin-pectinc3a9-et-de-lepicc3a9a-commun-dans-le-massif-vosgien-est-il-en-relation-avec-lc3a9tat-nutritionnel-des-peuplements.pdf

    et les dégâts par insectes types scolyte :

    Cliquer pour accéder à insectes-sous-corticauds-des-mortalitc3a9s-records-en-2004-dans-lest-de-la-france-dc3a9partement-de-la-santc3a9-des-forc3aats.pdf

    1. Merci Christophe, tu as su coudre un bel article avec tous mes mails.
      Merci aussi beaucoup Sisley pour ton commentaire et les documents en ligne.
      Je connais un très beau livre édité en allemand qui s’appelle : ‘Tannenbäume – Eine Zukunft für Abies alba’ (Sapins – un futur pour les Abies Alba) de Wolf Hockenjos

  2. François Lannes

    Merci Agnès (et Krapo aussi, bien sûr) pour ces informations sur ces sapins blancs qui s’appellent Gogants. Je suis très intéressé par cette particularité des branches qui démarrent perpendiculairement au tronc pour se redresser ensuite et monter parallèle à lui, droit vers le ciel. Je trouve cela vraiment beau.

    Et tes explications (recherches des raisons) à cette particularité m’intéressent aussi beaucoup. Peut-être bien que ces troncs nombreux sont effectivement une adaptation de survie pour résister aux usures de la foudre… C’est un raisonnement plaisant, qui a le mérite de pousser à comprendre plus loin le fond des choses.

    Au sujet de l’enracinement « profond » des sapins, pourrais-tu apporter un peu plus de documentation ?? C’est, là aussi, utile de savoir exactement comment sont fait ces arbres, pour en déduire une partie de leur histoire.

    1. Sisley

      Tiens voici un bon doc qui explique bien des choses, malheureusement il n’y a pas le modèle racinaire du sapin, mais il est bien connu qu’il est adapté aux coups de vents, notamment dans les Vosges où pendant la tempête 99, ce sont principalement les épicéas et hêtres qui sont tombés.

      Cliquer pour accéder à c3a9tude-des-relations-entre-systc3a8mes-racinaires-dossier-de-lenvironnement-inra-20.pdf

      Pour les coups de foudre répétés et la multitude de brins associés au tronc, je ne saurais en dire l’origine, peut-être que c’est la météo elle même qui à force de dégâts à défigurer ces arbres d’où les repousses en bouquet à la mode têtard.
      Ou bien des bourgeons terminaux broutés ou accidentés lors de la phase juvénile des sapins à produit ces formes singulières.

    2. L’explication des dendrologues est la suivante: Si le bourgeon terminal s’arrête de fonctionner (atrophie par les animaux, un gel exceptionnel, des oiseaux, l’homme, le foudre etc) il est remplacé par le bourgeon axillaire le plus vigoureux ou le plus proche.

      J’ai trouvé des traces d’une coutume germanique ancienne. Un sapin dont le bourgeon terminal avait été atrophié, ainsi qu’un des six autres de la couronne, et qui ressemblait donc à une main ouverte, était fiché au faîte des chalets et des cabanes pour éloigner la foudre et les maléfices. Ses rameaux appelaient encore la fécondité sur les femmes et les bêtes.

  3. Alexis

    Des arbres magnifiques…
    J’adore et un jour surement j’irai leur rendre une petite visite.
    Merci pour la découverte et à bientôt,
    Alexis

  4. François Lannes

    Oui, merci Sisley pour avoir ressorti ce dossier sur les systèmes racinaires, et merci aussi à Krapo pour l’avoir préalablement rentré en archives dans le blog !

    C’était très intéressant, et cela permet de mieux comprendre comment sont faites les choses dans le sol (car finalement on a bien du mal à aller voir, là-dedans !).

    Impeccable ce blog.
    Ouaip : la classe, même ! ! ! !

    1. Sisley

      De rien, je suis là pour vous servir en étant l’intermédiaire des arbres !

      Si tu souhaites aller explorer les sous sol et voir ce qui s’y passe, je te conseil un livre qui fait le tour de la question, il est aussi de Drénou et demeure aujourd’hui dans les ouvrages les plus complets sur le thème des racines.

      http://books.google.fr/books?id=b9Xxpx1BV58C&printsec=frontcover&dq=la+face+cach%C3%A9e+des+arbres&source=bl&ots=PJkirl3PlJ&sig=d3xWVlq8tG3K_PlVc3J7_o3rl3g&hl=fr&ei=SjrtTOTMNI-DhQeIv4zPDA&sa=X&oi=book_result&ct=result&resnum=3&ved=0CCMQ6AEwAg#v=onepage&q&f=false

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